Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 59.djvu/615

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ont écrit sur les droits de l’homme, sur la monarchie constitutionnelle, sur les bienfaits de la terreur et du maximum, sur le bonheur de l’athéisme, sur la nécessité de l’Être suprême, sur le grand empire, le grand empereur, le grand système continental, et qui reviennent aux droits des peuples depuis que, desséché, l’arbre impérial ne donne plus de fruits. « Il foudroie de ses philippiques ces « fiers républicains qui ont porté la blouse et les sabots pour flatter les sans-culottes, qui se sont couverts de soie pour plaire à Bonaparte, qui ont crié : Périssent les rois! Vive l’empereur et roi ! qui ont encensé, flagorné Napoléon, et le couvrent d’injures lorsqu’il n’alimente plus la fabrique à louanges. »

Ces coups de lanière distribués à droite et à gauche démontrent l’impartialité d’un misanthrope qui, désabusé par tant de mécomptes, se lassa de parler à des sourds et d’ouvrir le livre de l’histoire devant des aveugles. Après avoir crié casse-cou aux hommes d’état convaincus de leur infaillibilité, il se réfugia dans un pessimisme dont la tristesse clairvoyante conseillait la tolérance et la modération. Au risque d’offenser des amis, le royaliste ne leur ménagea pas ses doléances; quand la monarchie de 1815 eut le tort d’allier sa fortune à celle d’une société célèbre et aussi compromettante que compromise, il raviva le souvenir des Provinciales par une polémique incisive qui le fit surnommer le Pascal du feuilleton.

Il y eut pourtant des lacunes dans cette intelligence alerte. On lui reprochera du moins une orthodoxie trop rebelle aux nouveautés et peu accessible au charme de la haute poésie. Ce défaut discrédite les jugemens qu’il porte sur les Martyrs de Chateaubriand. Outre que sa raillerie fut alors plus acerbe qu’il ne convenait, nous ne lui pardonnerons pas d’avoir été insensible au désespoir de Velléda. Le secret d’un style modelé sur l’antique échappe aussi parfois au spirituel auteur des Rendez-vous bourgeois[1] ; et quelques saillies irrévérentes donnèrent au maître le droit de se plaindre « qu’un peintre en grotesque fût admis à prononcer sur les tableaux du peintre d’histoire. » Déclarer que « ce prétendu poème est le mauvais ouvrage d’un grand talent, » n’est-ce pas, en effet, une sorte d’impertinence? Nous reconnaîtrons pourtant que plus d’un trait fut lancé d’une main sûre, comme le prouvèrent des retouches dont triomphe ce dilemme d’Hoffman : « Si le critique n’a dit que des

  1. Par exemple, il s’étonne que le poète ait pu dire de Déraodocus retrouvant sa fille : « Cymodocée se jette dans ses bras; et, pendant quelque temps, on n’entendit que des sanglots entrecoupés : tels sont les cris dont retentit le nid des oiseaux, lorsque la mère apporte la nourriture à ses petits. » C’est ne pas comprendre Homère que de blâmer ces sortes de comparaisons.