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candidats à la présidence n’a réuni la majorité absolue, la chambre des représentans, votant non plus par tête, mais par état, est appelée à choisir entre les trois candidats qui ont obtenu le plus de voix. Pour la première fois, ce droit allait être exercé par la chambre.

Les partisans de Jackson affectaient de répéter que la volonté du peuple s’était clairement manifestée, et, qu’à moins de s’insurger contre cette volonté souveraine, la chambre ne pouvait que proclamer le candidat qui avait réuni le plus grand nombre de suffrages. Cette prétention, bruyamment soutenue, blessait les légitimes susceptibilités de l’assemblée, dont on cherchait à contester ou à limiter le droit. Dans l’esprit comme dans la lettre de la constitution, la liberté de son choix était absolue. Des trois candidats sur lesquels ce choix devait porter, il en était un que son état de santé, qui s’aggravait chaque jour, mettait en quelque sorte en dehors de la lutte : les chances des deux autres étaient presque égales, et Clay, qui pouvait faire reporter sur l’un ou sur l’autre les voix de ses amis, devenait en réalité l’arbitre de l’élection. Ses préférences ne pouvaient être douteuses, et, dès le mois de décembre, il les avait fait connaître. Quoiqu’il eût personnellement peu de sympathie pour le secrétaire d’état, dont il avait souvent combattu la politique extérieure, il redoutait par-dessus tout l’avènement du chef militaire ambitieux et insoumis dont il avait éloquemment dénoncé les allures dictatoriales. Il pressa ses amis de porter leurs suffrages sur Adams.

Le 9 février 1825, Daniel Webster et John Randolph, chargés du dépouillement du scrutin, proclamèrent le résultat suivant : « Pour John Quincy Adams du Massachusetts, 13 voix; pour André Jackson du Tennessee, 7 voix ; pour William H. Crawford de la Géorgie, 4 voix. » En conséquence, le speaker déclara que M. Adams était élu président des États-Unis.

Le nouveau président accueillit la nouvelle de ce vote avec plus d’inquiétude que de joie et avec le sentiment profond des difficultés de la tâche qu’il allait entreprendre. On trouve l’expression de ce sentiment dans le journal qui recevait la confidence de ses plus intimes pensées : « Cette année, écrivait-il à la date du 31 décembre 1825, a été la plus importante de celles qui ont passé sur ma tête, puisqu’elle a vu mon élévation à l’âge de cinquante-huit ans à la première magistrature de mon pays, c’est-à-dire au but suprême de la plus louable, ou du moins de la moins blâmable des ambitions de ce monde; cependant cette dignité ne m’a pas été conférée dans des conditions propres à inspirer de l’orgueil ou à satisfaire une légitime ambition, car je ne l’ai pas tenue des suffrages incontestés de la majorité de la nation, et j’ai été élu, ayant contre moi environ les deux tiers de la nation. »