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d’un dégoût croissant pour la domination d’une race étrangère et la suprématie d’un calife étranger. Une habile manipulation de ces différens élémens de révolte donnerait à une puissance hostile les moyens d’allumer en Syrie une conflagration que toutes les ressources de l’empire ottoman ne seraient peut-être pas capables d’éteindre[1]. »

Nous avons déjà dit que Métuahs et Ansariyehs ont été acquis à notre politique.

A côté des avantages d’ordre contingent dont nous venons de faire ressortir la réalité, cherchons maintenant ceux d’ordre permanent qui, dès à présent, imposent le maintien de notre influence acquise comme un patriotique devoir. Ici encore un exemple suffira.

Plus que jamais depuis l’établissement de notre protectorat en Tunisie, la prépondérance de notre action politique et commerciale dans le bassin occidental de la Méditerranée semble assurée. De grandes fautes, l’oubli de nos intérêts les plus évidens, pourraient seuls la compromettre[2]. Dans la plupart des pays du bassin oriental de cette mer, en Grèce, en Asie-Mineure, en Syrie, notre industrie et notre commerce luttent encore sans trop d’infériorité. En Égypte, leur déclin trop marqué a été la suite immédiate de la ruine de notre influence politique. La logique ne perd jamais ses droits ; tous les élémens de la grandeur d’une nation sont solidaires.

Cette leçon cherchée comme à plaisir, pourrait-on dire, sera-t-elle perdue ? N’en ressort-il pas en pleine clarté que le maintien, que le développement de notre influence, à quelque titre qu’elle ait été acquise, sont la protection assurée de nos intérêts politiques et commerciaux ? Ils nous seraient donc commandés comme une mesure de défense nationale, même alors que rien dans l’avenir ne menacerait ces intérêts. Or il n’en va pas ainsi : le percement du tunnel du Saint-Gothard est un fait déjà accompli, qui constitue pour l’avenir commercial de Marseille un péril difficile à conjurer. L’achèvement des chemins de fer de l’Europe centrale va déplacer demain l’axe du transit européen, et faire du Pirée et de Volo[3] les deux plus grands ports de la Méditerranée. Tous deux se préparent à

  1. French Diplomacy in Syria.
  2. Comme par exemple de réaliser le rêve le plus ardent dcs Italiens, en acceptant la proposition formulée par un membre de la Défense nationale (15 septembre 1870) et renouvelée plus tard aux applaudissemens de certains bancs de l’assemblée nationale : Rendre la Corse à l’Italie.
  3. Le port du Pirée a été creusé profondément et aussi agrandi de plus du double de son ancienne étendue. Les six grands cuirassés et les deux avisos de l’escadre ont pu y prendre place sans gêner le mouvement maritime et commercial.