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influence toujours puissante, sur un esprit rêveur et mystique au fond, des idées de sa première enfance, de celles de sa jeunesse ; toutes ces raisons connues du public, d’autres encore dont les intéressés, et au premier rang d’entre eux les Italiens, avaient pénétré le secret, faisaient de la France impériale un obstacle invincible dressé entre Rome et les ambitions italiennes. L’empire tombé, la France vaincue, humiliée à Sedan et à Metz, l’obstacle invincible était à terre : Victor-Emmanuel entrait au Quirinal. Que pouvaient contre les faits accomplis, contre la force brutale, la force qui prime le droit, les protestations que criait au monde entier le vieillard prisonnier au Vatican ? Ces protestations étaient alors d’autant plus impuissantes, que l’homme dont les prodigieuses victoires des armées allemandes avaient fait le maître de l’Europe était lui-même et depuis longtemps l’adversaire le plus implacable, sinon de la papauté, du moins des idées dont Pie IX était la vivante incarnation. Arme forgée contre ces idées mêmes, le Culturkampf était à l’œuvre dans l’Allemagne unifiée, et l’on sait comment, dans l’empire qui se portait le successeur du saint empire romain, étaient traités les évêques et les prêtres fidèles à Rome. Or Rome était le plus grand écueil où pouvait sombrer la fortune de l’Italie ; par cela seul, l’Italie ne pouvait avoir qu’une politique : une politique allemande, antifrançaise.

Cependant la France, par un merveilleux effort de sa vitalité, se relevait lentement et sûrement de ses ruines accumulées. Si, tout d’abord, se recueillant dans un repos nécessaire, elle n’aspirait pas à reprendre sa place perdue dans le monde, du moins les esprits éclairés et prévoyans devinaient, à des signes certains, que dans un prochain avenir dont l’avènement dépendait de sa sagesse seule, amis et ennemis auraient à compter avec elle. Plus d’un de ces derniers a dû, comme le chancelier de fer, trouver que l’épée du vainqueur jetée dans la balance où se pesait sa rançon avait été trop légère, et qu’à ce prix insignifiant de cinq milliards, l’Allemagne s’était montrée aussi généreuse que clémente. Pourtant, si la France marchait à son relèvement économique, matériel, d’un pas trop assuré, ses destinées politiques restaient du moins enveloppées d’ombres et d’incertitudes. L’assemblée de Versailles, élue sous l’inspiration d’une pensée unique : le salut du pays, n’avait point ratifié les décrets du 4 septembre ; et nul ne pouvait dire quelle constitution politique cette assemblée souveraine lui donnerait.

M. le comte d’Arnim et M. le prince de Bismarck discutaient entre eux sur les mérites de la monarchie et de la république ; mais les hommes d’état italiens, ceux qui, à titres divers, sous l’inspiration des opinions les plus opposées, avaient préparé, avaient fondé l’unité