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et reconnut à la France, pour ce qui restait de l’ancien empire d’Annam, un rôle et des attributions qui équivalent à une sorte de protectorat.

Tels sont les débuts d’une entreprise de colonisation qui nous introduit et nous fixe au milieu des possessions anglaises, hollandaises, espagnoles, portugaises, au seuil de la Chine et du Japon. L’entreprise conçue dès le dernier siècle est justifiée par l’intérêt politique et par l’intérêt commercial ; elle nous associe à la croisade que l’Europe poursuit dans l’extrême Orient ; elle nous donne droit de présence et d’action dans ces régions lointaines où d’autres peuples, nos rivaux en Europe, nous ont depuis longtemps devancés. Cette entreprise, on le voit par les incidens qui se sont succédé depuis 1862 et qui s’aggravent en ce moment même, n’est point exempte d’embarras, ni même de périls. Elle exige autant de prudence que de fermeté, car elle touche à l’ensemble des relations qui existent entre l’Europe et l’Asie.

Après avoir indiqué très rapidement les phases principales et les dates des progrès accomplis par l’Europe dans l’extrême Asie, nous avons à recueillir les informations nécessaires pour nous éclairer sur l’importance actuelle de ces nouveaux marchés, sur les profits que les diverses nations en retirent, et spécialement sur la part qui revient à chacune d’elles. En définitive, tous les efforts de la diplomatie, tous les coups de canon qui ont été tirés dans les mers de Chine, ont eu pour objectif beaucoup moins la propagande civilisatrice que l’extension des affaires commerciales. Sauf pour quelques apôtres en religion et en politique, qui aspirent à convertir les infidèles ou à moderniser la vieille Asie, la Chine et le Japon apparaissent avant tout comme de grands marchés à conquérir pour les échanges. Ce que valent ces marchés, ce qu’ils rapportent aux concurrens, ce qu’ils contiennent de ressources pour l’avenir, voilà la question pratique, question de chiffres, dont la statistique commerciale fournit les élémens.


II

D’après les documens officiels, le commerce de la Chine avec l’étranger dépasse 1 milliard 100 millions de francs par la frontière maritime, et il atteint 80 millions par les frontières de terre. C’est un total de 1 milliard 200 millions de francs régulièrement constaté. Mais il faut ajouter à ce chiffre les opérations de contrebande, qui sont considérables. La douane n’exerce de surveillance efficace que dans les ports ouverts au commerce étranger en vertu des traités. Le service est confié, dans ces ports, à des commissaires européens qui perçoivent les revenus pour le compte du gouvernement chinois. En 1881, les droits ont produit une somme de 103 millions, ce qui représente environ 10 pour 100 de la valeur des marchandises importées ou exportées régulièrement. Les tarifs sont assez modérés. Le mode