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brèche au système colonial ; il. devint assez important pour attirer successivement tous les pavillons européens et pour éveiller la concurrence. Tandis que le Japon, la Cochinchine et Siam restaient hermétiquement fermés, la Chine s’ouvrait, par une fente étroite, au commerce étranger, et, empruntant aux Européens leur système de monopole et de privilèges, elle instituait à Canton la corporation des marchands hanistes, qui seule avait le droit de trafiquer avec les étrangers. Ce fut ainsi que, par degrés assez lents, et grâce surtout à l’activité de la compagnie des Indes anglaises, le chiffre des échanges atteignit une moyenne annuelle de 200 millions.

A la suite des guerres de la révolution et de l’empire, l’Angleterre demeura la puissance prépondérante en Asie ; elle n’avait à compter qu’avec la Hollande, qui, redevenue maîtresse de l’archipel de la Sonde, cherchait à s’étendre vers le nord, dans la direction de la Chine, et qui aurait pu occuper des positions gênantes pour les opérations directes du commerce indo-britannique. Un traité conclu en 1824 délimita d’une manière plus précise les possessions attribuées aux deux nations, et, vers, la même époque, l’Angleterre s’établit à Singapore, d’où elle avait pour ainsi dire l’œil et la main sur toute la région de l’extrême Orient. La création du pont de Singapore, conçue par sir Stramford Raffles, fut un trait de génie. Quelques milliers de roupies payées à un rajah malais pour un îlot sans valeur ont donné à l’Angleterre la clé des mers de Chine. — Dès ce moment, les relations avec la Chine s’accrurent plus rapidement ; les négocians américains ouvrirent des comptoirs à Canton et vinrent y faire concurrence aux factoreries anglaises. En 1834, le privilège de la compagnie des Indes, arrivé à échéance, fit place au régime de liberté pour le commerce anglais, et ce nouveau régime fut très favorable à l’ensemble des transactions. Restait le privilège de la corporation chinoise des hanites ; il disparut à son tour. La première guerre de Chine, en 1840, — celle que l’on a appelée la guerre de l’opium, — aboutit, au traité signé en 1842 sous les murs de Nankin, traité en vertu duquel la Chine, vaincue, fut obligée d’accorder aux étrangers la faculté de trafiquer directement dans cinq de ses ports, Canton, Amoy, Foo-chow, Ningpo et Shanghaï. Par ce même traité, l’Angleterre se fit céder la petite île de Hong-Kong, d’où son pavillon pouvait surveiller tout le littoral du Céleste-Empire. D’après les statistiques, les opérations du commerce étranger, en Chine, pendant les années qui ont précédé la guerre de 1840, représentaient une valeur de près de 500 millions ; les importations de l’opium introduit en contrebande figurent dans cette somme pour 70 millions de francs, chiffre à peu près égal à celui des exportations de thés.

Du traité de Nankin date une nouvelle ère dans l’histoire de la Chine. Pour la première fois, ce pays entrait en relations régulières avec une nation européenne, et son gouvernement consacrait par un