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de M. Napier, à mon profit et au profit de mes compagnons de captivité. Je remercie le peuple anglais comme je vous remercie, monsieur, et avec vous la grande presse anglaise, qui a été unanime à réclamer pour moi un procès impartial. Je remercie ceux des membres du Parlement britannique qui ont souvent et noblement parlé en ma faveur. Je remercie sir Charles Wilson pour l’extrême sympathie qu’il m’a témoignée pendant les jours de ma captivité.

Je quitte l’Égypte avec la ferme conviction qu’avec le temps, la justice de notre cause éclatera de plus en plus, et que l’Angleterre ne se repentira jamais de la générosité et de l’humanité dont elle, a fait preuve envers un homme contre qui elle avait combattu.

Ahmed-Arabi, l’Égyptien.

De la prison du Caire, 4 décembre 1882.


Si extraordinaire que soit ce morceau de haut goût, où M. Broadley abusait décidément de son amour pour la plaisanterie, il n’est que l’écho exact des discours par lesquels les Anglais ne cessent de répéter qu’ils veulent délivrer l’Égypte de tous les jougs qui pesaient sur elle et la rendre enfin aux Égyptiens. Et qui sait ? Peut-être Arabi a-t-il raison de dire qu’il reviendra au Caire. Quelques personnes pensent même qu’on ne saurait mieux faire que de le rappeler dans deux ou trois ans, pour le nommer président d’une chambre des notables quelconques. Il a été le précurseur des Anglais. Il leur a tracé le plan qu’ils suivent si fidèlement. À la vérité, il faudra d’abord lui rendre ses grades et décorations. On n’avait pas songé à les lui enlever au moment du procès, et l’on a pu remarquer que le jugement et le décret de grâce le traitaient l’un et l’autre de pacha. Mais l’indignation publique s’étant soulevée trop vivement, on s’est décidé, au bout de quelques jours, à prononcer la dégradation. Ç’a été encore une cérémonie bouffonne. Arabi, Toulba, etc., ont été conduits dans la cour d’une caserne où l’on avait rangé quelques soldats. Ils étaient vêtus, comme au procès, de mauvais pardessus et de foulards malpropres ; ils n’avaient ni uniformes, ni galons, ni armes. On leur a lu le décret qui les dégradait ; puis quelqu’un a dit : « Mais où sont vos sabres et décorations. « Les accusés, pris d’une subite hilarité, ont déclaré qu’ils avaient jugé inutile de les apporter et qu’on ferait bien, si on les voulait, d’aller les chercher chez eux. Après ce bon mot, dit avec la plus parfaite impertinence, tout le monde est parti. On ne s’en est pas tenu là. Toujours sous l’impression de la clameur publique, un décret a été promulgué pour confisquer les biens des rebelles au