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point un mince éloge, étant donné que l’illustration est un chef-d’œuvre et que cet art, encore que discutable comme objet d’édification dévote, n’en produit pas moins, même sous cette forme dramatique et passionnée, un effet religieux sur son auditoire. Savons-nous, en outre, ce que nos petits-neveux penseront là-dessus, eux qui n’auront pas, comme nous, l’occasion de comparer chaque jour la musique religieuse de Rossini et de Verdi avec leur musique de théâtre? Peut-être au fond, n’est-ce qu’à cette impossibilité où nous sommes de comparer sans cesse l’un à l’autre les deux termes du procès que nous devons le sentiment religieux dont Händel et Bach nous pénètrent ; plus près de nous Mozart nous édifie moins : affaire de distance et de costume. Händel pas plus que Bach ne s’épargnent les grands airs d’opéra et leurs roulades ne scandalisent personne, consacrées qu’elles sont par leur caractère suranné. Le souverain porte-respect en ce monde, c’est la perruque; voyez l’Angleterre et ses juges ! la modernité ne nous inspire point de révérence, on la tutoie. Ce qui faisait dire au padre Martini que le Stabat de Pergolèse était de la musique d’opéra comique est juste aussi ce qui nous empêche d’apprécier à leur valeur certaines magnificences de la messe de Rossini, le Resurrexit, par exemple, et d’ouvrir à deux battans la bibliothèque sacrée au Requiem de Verdi.

Là serait le vrai point de départ d’une réforme dans la musique religieuse en Italie. Célèbre qui voudra l’esprit d’institution et de fondation, j’ai pour principe qu’en pareil cas, l’esprit de création vaut mieux que tout. Les plus beaux programmes sont lettre morte tant que le génie d’un homme n’a pas soufflé dessus. A Milan, une société s’était formée pour la restauration de la musique religieuse, rien de mieux ; mais voilà que l’on imagine d’inaugurer l’œuvre par une messe solennelle dans la cathédrale, et c’est le maître de chapelle ordinaire que, sans trop de discernement, on choisit comme compositeur. En matière de réforme, c’était mal débuter; la société eut ce qu’elle méritait, une messe dans l’ancien jeu : la fuga obligata a quattro parti in istilo severo, et, pour égayer ce « style sévère, » un assortiment d’airs d’opérette... C’est en considérant cette routine invétérée, en parcourant du regard les sentiers d’un passé toujours prêt à refleurir, que les gens de goût se rendront vraiment compte de l’action, — même religieuse,— que des hommes tels que Rossini et Verdi peuvent avoir sur la musique de leur pays.

Paris et Bruxelles ont leur grand prix de Rome; Berlin a sa fondation Meyerbeer, dont la destination est pareille. Profitables et peut-être nécessaires en des temps où l’Italie musicale commandait encore aux nations, ces œuvres aujourd’hui n’ont plus aucun sens. Quels sujets d’études spéciales l’Italie actuelle offre-t-elle aux