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sous la direction de Faccio, sa Società del quartetto, qui joue aussi les symphonies de Beethoven. Admirons en Italie cette mise hors du théâtre de la musique. Rossini, sans doute, avait risqué le pas ; mais de son Stabat, tout agrémenté de cavatines, à cet imposant Requiem, quelle distance ! Un tel chef-d’œuvre, dût-il même encourir certaines restrictions au point de vue purement canonique, — ces unissons, par exemple, ces effets de silence, cette fréquente intervention des chœurs, — il n’en demeure pas moins acquis que le Preces et hostias, comme le Libera fugué de cette messe, fixent une date dans la culture artistique d’un peuple. Remarquerons-nous à ce propos que Verdi est un Italien du Nord, et qu’en cette qualité, il semblerait expressément créé pour s’entendre avec le génie germanique? Le fait a trop peu d’importance, les provinces du Nord ayant toujours eu le privilège de donner à l’Italie ses grands musiciens. Ainsi, parmi les contemporains, Bellini seul ferait exception ; Rossini était né à Pesaro, Donizetti à Bergame, Verdi est de Busseto ; et c’est aussi à cette région des Marches, de l’Emilie et de la Lombardie qu’appartiennent la plupart des compositeurs du passé. Florence, patrie de Péri, de Lulli, de Cherubini, confine à Majolati, berceau de Spontini, et tend ainsi la main à Busseto et à Crémone, pays de Monteverde. Pour nous autres, gens du dehors, forestieri, comme on nous appelle, l’Italie musicale actuelle tient dans un seul homme; l’arbre nous empêche de voir la forêt. Elle existe pourtant et vaut la peine d’être parcourue. Bien des noms que nous ignorons ici comptent à divers titres au-delà des Alpes; ceux-ci d’une signification toute moderne et poussés sous l’influence de Verdi, ceux-là représentant, non sans honneur, l’influence du passé. Citons d’abord les Dioscures : Enrico Petrella et Antonio Cagnoni, Petrella, auteur d’une Comtesse d’Amalfi et d’une Ione dont les cantilènes ont passionné la foule, un de ces mélodistes richissimes qui jonglent avec les pommes d’or de l’inspiration et secouent de leur manche les duos d’amour et les marches funèbres; Cagnoni, un de ces comiques à double masque qui savent à la fois rire et pleurer : Michel Perrin, Claudia, Don Bucefalo, Papa Martin, sont des ouvrages populaires, moitié sérieux, moitié bouffons, avec des rythmes et des motifs en abondance ; qu’on se figure un comique sentimental à la manière de Mozart dans l’Enlèvement au sérail. Quant aux amateurs qui rêvent encore de Paisiello et Cimarosa, ils en retrouveront la trace dans Napoli in carnavale, de Nicolo de Giosa. Ici, les droits de transmission sont imprescriptibles, la conquête aura beau promener la charrue sur ce sol, elle n’y détruira jamais l’opéra bouffe.

Tandis que le vieux jeu se continue innocemment, que, renchérissant sur l’imitation de Cimarosa, M. Usiglio, avec ses Donne curiose