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vient cependant, après une longue discussion, d’être accepté par la chambre des députés et le sera sans nul doute au sénat. D’où vient donc que, nonobstant, le malaise persiste encore, que la défiance ne cesse pas, et si l’on veut caractériser, en deux mots, l’état actuel, que le gouvernement semble hésiter toujours à faire de l’ordre et de l’économie son principal objectif? C’est, il faut bien l’avouer, qu’à côté de l’œuvre financière qu’il s’agit d’accomplir, dont les élémens ne peuvent laisser place à l’incertitude et au doute, les calculs ne se prêtant ni à des complaisances ni à des atermoiemens, il y a, comme par le passé, l’œuvre politique à poursuivre, les passions à envenimer, les cupidités à entretenir, parce que le suffrage universel, sauf en des circonstances exceptionnelles, ne se laisse pas persuader par des chiffres, mais obéit à des préjugés, et que l’existence des députés dépend de ce suffrage comme, à son tour, l’existence des ministres est subordonnée aux caprices parlementaires.

Il est plus facile, en effet, de rester dans le vague des théories, dans les amplifications philosophiques, que d’aborder sérieusement les questions d’affaires, et c’est ainsi que, pour ne pas perdre crédit auprès des masses ignorantes, on donne toujours)e pas aux discussions irritantes, et l’on se borne à quelques essais timides de réorganisation budgétaire. Cet état de choses ne saurait pourtant se prolonger davantage ; le temps presse, car le déficit, sous toutes les formes, est à nos portes. la Revue n’a pas failli à sa mission en faisant éclater sur ce péril la lumière en temps utile. Pour les questions de chemins de fer, d’amortissement, d’équilibre budgétaire, MM. Paul Leroy-Beaulieu, Victor Bonnet, Lavollée, ont fourni des renseignemens sans réplique; dans les chambres, il n’a rien été répondu à l’argumentation toute-puissante de MM. Bocher, Buffet, Léon Say.

Les aveux du ministre des finances et du ministre des travaux publics ont prouvé que le coup avait porté, et quelques mesures ont dû être prises pour augmenter les ressources du budget, comme l’emprunt de 120 millions à la Banque de France, l’émission de nouveaux bons du trésor à un taux plus élevé; enfin à ces faibles ressources est venue s’ajouter la conversion du 5 pour 100, qu’on pourrait appeler simplement la réduction de l’intérêt de la rente. La situation du budget reste néanmoins, même les traités avec les compagnies étant approuvés, pleine d’incertitudes et de périls. Ce n’est pas toutefois sur cet objet que nous voudrions arrêter un instant l’attention, mais seulement sur des intérêts particuliers qu’a frappés d’un contre-coup facile à prévoir la mauvaise gestion de la fortune publique et dont les souffrances préoccupent à