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égaré et fugitif dans Paris, arrêté et conduit à ce comité, la Providence vous a envoyé pour me sauver, et vous le pouvez en calmant les esprits du comité. »

Ainsi se termina ce colloque, curieux à consulter pour qui veut juger équitablement Montmorin. Le soir même, Soulavie rendit visite à la comtesse; il la trouva mourante de désolation et de terreur dans son lit. « Je ne suis pas Mme de Montmorin, lui dit-elle, craignant une embûche, mais je lui ferai porter les nouvelles que vous me donnez de son mari. » Soulavie, ému par tant de douleur, se retira sans insister pour la convaincre de son identité.

Le 31 août, Lasource lisait son rapport à la législative; il concluait, au nom des comités réunis, à la mise en accusation. Le seul grief retenu était le silence gardé par le ministre vis-à-vis des mouvemens et des desseins des princes rebelles. Tous les prétextes n’étaient-ils pas bons pour se débarrasser de l’ami du roi? Ce n’était pas impunément que Montmorin avait répondu un jour à Brissot que sa méchanceté et sa générosité lui étaient également indifférentes. Brissot ne lui pardonnait pas. En attendant le jugement, on conduisit Montmorin dans les cachots de l’Abbaye. Est-il vrai qu’il obtint que son fils Calixte vînt partager sa captivité? Est-il vrai qu’il écrivit une lettre suppliante à Danton? M. de Lamartine énonce ces faits, mais nous n’en avons pas trouvé de preuve. Est-il vrai enfin que, désespéré de la justice des hommes et n’ayant plus sur lui le poison qu’il avait emporté dans sa retraite de la rue Saint-Antoine, Montmorin brisa à coups de poing une table de bois de chêne? N’y a-t-il pas eu une confusion avec son cousin? L’éditeur des Mémoires sur les journées de septembre donne cet acte de colère comme certain, et l’attribue au père de Pauline de Beaumont.

Nous sommes arrivés au jour néfaste. C’est le 2 septembre[1]. Les nouvelles des armées françaises étaient mauvaises. L’ennemi était à quarante lieues de Paris. Verdun venait de capituler, Longwy était pris; on entendait de nouveau de toutes parts cet effrayant tocsin dont le souvenir était resté gravé dans les âmes depuis la nuit du 10 août. Les officiers et les soldats qui s’étaient rendus ce jour-là au peuple et qui avaient été mis sous la protection de la nation sont d’abord massacrés. On vient prendre Montmorin dans sa prison et on le met en face de ce tribunal qui s’était installé sur le lieu du crime. Maillard présidait. Montmorin déclare aussitôt qu’il ne reconnaît pas de pareils commissaires pour ses

  1. Procès-verbaux de la commune de Paris. Journées de septembre. Journiac de Saint-Méard, Mon Agonie de trente-huit heures.