Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 58.djvu/681

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Dieu, de l’avancement de son évangile ; » mais elle pense surtout à Calais et elle n’a mis ses troupes dans Le Havre que pour ravoir cette ville. Coligny écrit en vain à M. de Beauvoir : « Quant à ce que disent les Anglais, que l’article porte qu’on fera sortir les estrangers, cela ne s’entend pas pour eulx. » Elisabeth y voit plus clair ; elle sait qu’on veut lui reprendre Le Havre et que le traité d’Amboise a été fait sans aucun souci de ses intérêts.

Condé eut conférences sur conférences avec Smith et Middlemore ; il luttait contre leur insistance et, ne sachant plus que proposer, il suggéra un mariage d’Elisabeth avec le roi de France !« L’attitude de Coligny, dit le duc d’Aumale, les surprit davantage ; de tout temps, les Anglais avaient beaucoup compté sur lui. Il était plus engagé avec eux que Condé ; il avait souvent écrit et répété qu’il n’y avait pas de paix possible sans le consentement de la reine Elisabeth… Mais il changea de langage dès qu’il eut obtenu quelques modifications verbales de l’édit. Il soutint vis-à-vis des envoyés anglais la même opinion que Condé, avec une parole moins vive et moins entraînante, mais avec autant de fermeté dans le fond et plus de raideur dans la forme. Comme il ne pouvait pas plaider l’ignorance du traité d’Hampton-Court, puisqu’il avait depuis signé un autre arrangement où ce traité était visé et confirmé, il accusait la parcimonie et les lenteurs de l’Angleterre. » Il est bien certain qu’Elisabeth en avait fait à la fois trop et trop peu, trop en signant des actes qui constituaient une agression contre le roi de France et qui par là même invalidaient toutes ses prétentions sur Calais ; trop peu en lésinant, en donnant toujours moins qu’elle n’avait promis, en ne remplissant aucun de ses engagemens envers les chefs réformés. Le commandant anglais du Havre avait conduit à Portsmouth tous les vaisseaux français qu’il avait trouvés dans ce port ; Coligny, n’obtenant pas d’argent pour ses reîtres, avait dû tolérer leurs dépréciations en Normandie. Les garnisons anglaises fermaient leurs portes aux réfugiés huguenots ; les secours d’Elisabeth avaient été vraiment trop onéreux, et il ne faut pas s’étonner si l’on tint finalement peu de compte de ses protestations contre une paix qu’elle n’avait rien fait pour rendre avantageuse à ses alliés.

Le 28 mars, on célébra la cène dans Sainte-Croix à Orléans. L’amiral et le prince assistèrent à cette cérémonie. Théodore de Bèze, sur le point de retourner à Genève, fit le sermon ; il rappela que douze mois auparavant, la plupart des assistans avaient fait la cène à Meaux. Ils allaient retourner dans leurs foyers, ayant conquis une liberté de conscience et de culte encore incomplète, mais qui contenait les promesses d’une liberté plus grande dans l’avenir. La reine mère fit son entrée dans Orléans le 1er avril, avec le connétable,