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« Ayant restreintes les églises à une ville par bailliage, avec autres semblables, on avoit fait la part à Dieu, et plus ruiné d’églises par ce coup de plume que toutes les forces ennemies n’en eussent pu abattre en dix ans; et quant à la noblesse, elle devoit confesser que les villes lui avoient montré l’exemple, et les pauvres monstre le chemin aux riches. » Cette protestation éloquente a longtemps donné à penser que Coligny n’avait été pour rien dans la paix d’Amboise; mais des documens publiés par M. le comte de La Perrière démontrent le contraire; le 16 mars, Coligny envoya, en effet, deux lettres, l’une à la reine Isabelle, l’autre à Cecil, avec un messager (le sieur Du Chastellier), chargé de les renseigner sur diverses « occurrences. » Que ces occurrences eussent trait à la paix prochaine, on va le voir; car la paix fut signée le 19 mars, et Coligny l’annonce à Elisabeth, par une lettre datée de Brou, dans les termes suivans : « J’ay ce jourd’huy receu une lettre de Monseigneur le prince de Condé, par laquelle il m’advertit comment toutes choses sont conclues ou arrestées pour la pacification des troubles du royaume, synon qu’il reste à prendre une résolution sur ce qui touche vostre faict, puys aussy de l’autorité qu’il aura. Et quant au contenu aux articles de ce traité, il ne m’eschoit vous en dire autre chose, madame, synon qu’ils sont à peu près suyvant ceulx desquels je vous ay envoyé une copie par le sieur Du Chastellier. » Coligny joignait à sa lettre une longue lettre du prince de Condé adressée à la reine, où on lit: « Et combien que la principale occasion qui nous a faict prandre les armes soit maintenant levée, si est-ce que nous aurons tousjours retenu l’arrêt de tout le négoce jusques à l’arrivée de M. L’admiral, ayant supplié la reine ne trouver mauvais si, sans le consentement de luy et des seigneurs qui sont en sa compagnie, je ne pouvois rien accepter n’y conclure. » Il ressort bien clairement de ces documens que Coligny avait eu connaissance des articles de la paix et qu’il les avait fait connaître à la reine d’Angleterre. Cela n’empêche point qu’arrivé à Orléans, il ait pu témoigner quelque mauvaise humeur ; si les paroles que Théodore de Bèze met dans sa bouche sont irritées, l’on trouve au contraire beaucoup de calme dans les lettres que Coligny adressa aux princes protestans d’Allemagne et à la reine d’Angleterre pour leur annoncer la paix. Un article de la paix portait qu’on ferait « sortir les étrangers ; » cela s’entendait-il seulement des reitres? et cela devait-il s’appliquer aussi aux Anglais? Elisabeth était furieuse contre Condé; dans une lettre à Calvin, elle se laisse aller jusqu’à le traiter de misérable; elle rappelle à Smith son ambassadeur que Condé s’est engagé à ne rien faire à son préjudice, dans un traité signé de lui-même et de l’amiral ; elle parle dans ses lettres à Condé de « l’honneur