Le combat engagé, l’amiral donna son infanterie à Condé. Lui-même, avec quatre cents lances et six cornettes de reîtres, chargea et rompit la gendarmerie du connétable, les enseignes de Picards et de Bretons, et la cavalerie de Sansac, qui formait l’extrême gauche de l’armée royale. Le connétable fut fait prisonnier dans cette charge terrible. On sait comment les Suisses rétablirent les affaires des catholiques par leur héroïque résistance, comment Guise donna sur les lansquenets et les reîtres, épuisés par leurs values attaques ; en vain Condé et l’amiral allèrent-ils au secours des reîtres, ils furent entraînés dans leur déroute. Condé roula sous son cheval et fut fait prisonnier. L’amiral rallia l’armée protestante et fit un retour offensif sur les catholiques : « Ce fut, dit le duc d’Aumale, la plus furieuse rencontre de la journée. » La cavalerie de Guise ploya sous le choc; la nuit venait déjà et l’on ne pouvait plus distinguer les écharpes blanches des écharpes rouges. Ce dernier coup donné, l’amiral se retira lentement, fièrement, avec ses troupes en bon ordre.
Des deux côtés on s’attribua la victoire; le champ de bataille était resté au duc de Guise, mais, dès le lendemain, l’amiral marcha du côté de l’armée royale, et, s’étant montré comme pour l’appeler à une nouvelle lutte, il se retira en bataille et conduisit son armée à Auneau. L’infanterie protestante avait été défaite, mais la cavalerie était entière et extrêmement résolue; l’amiral conduisit ses troupes en Sologne et en Berri et puis se rapprocha d’Orléans. Il résolut ensuite d’aller avec la cavalerie, en Normandie, laissant l’infanterie pour la défense d’Orléans. Il était indispensable d’aller chercher de l’argent pour payer les reîtres. Avec cette cavalerie, qui était composée de deux mille reîtres, de cinq cents chevaux français, de mille arquebusiers à cheval et de douze cents chevaux, qui portaient le bagage sans charrettes, il fit plus de cinquante lieues en six jours. Il envoya Téligny en Angleterre, n’ayant encore rien reçu des cent mille écus promis par Elisabeth. Pendant qu’il faisait le siège du château de Caen, il reçut enfin l’argent anglais avec huit pièces d’artillerie; il put payer les reîtres et fit capituler le château le 2 mars. Quelques jours après, il apprit la mort du duc de Guise devant Orléans sans savoir encore « qui avoit fait le coup ni comment il avait été fait. » (De Bèze.)
Peu après, on reçut la déposition dans laquelle Poltrot, l’assassin du duc de Guise, incriminait Coligny. Celui-ci assembla tout de suite les seigneurs et les officiers de son armée ; il protesta contre toute complicité avec le crime et fut une déclaration justificative qui a été conservée par de Bèze. Il rappela qu’il avait toujours découragé ceux qui formaient des projets contre le duc de Guise, qu’il avait averti la duchesse, en temps et lieu, de certains projets dont il avait eu