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écrivait à ce précepteur des lettres en assez mauvais latin qu’on a conservées ; il lisait à quinze ans Cicéron et étudiait les tables de Ptolémée et la cosmographie. Comme son frère François, il se destinait à la profession des armes : tous deux allèrent de bonne heure à la cour.

Coligny s’y lia très intimement avec François, alors appelé le comte d’Aumale, fils aîné de Claude de Lorraine, duc de Guise. Ils ne prévoyaient, ni l’un ni l’autre, qu’une haine mortelle les diviserait un jour. « Ils furent tous deux, dit Brantôme, en leurs jeunes ans, sur le déclin du règne de François Ier et assez avant dans celui du roy Henri II, si grands compagnons, amis et conférerez de cour, que j’ay ouï dire à plusieurs qui les ont veus s’habiller le plus souvent des mesmes parures, mesmes livrées, estre de mesme partie en tournois, combats de plaisir, couremens de bague, mascarades et autres passetemps et jeux de cour; tous deux fort enjouez et faisans des folies plus extravagantes que tous les autres ; et surtout ne faisoient nulle folie qu’ils ne fissent mal, tant ils estoient rudes joueurs et malheureux en leurs jeux. » Voilà de ces traits qu’on ne trouve que dans Brantôme et qui font mieux comprendre l’homme : toute sa vie, Coligny resta rude joueur et malheureux en ses jeux guerriers.

MM. de Châtillon étaient au nombre des favoris du dauphin avec La Châtaigneraie, Saint-André et quelques autres; Gaspard « ayda fort à M. de Guyse à le faire aimer à M. le Dauphin; » leur grande amitié dura bien cinq ou six ans. Les Châtillon firent leurs premières armes en 1542, dans le Luxembourg et en Flandre, sous les ordres du dauphin. Coligny fut blessé au siège de Binche d’une arquebusade à la gorge, et à peine rétabli, il prit part à la défense de Landrecies. En 1544, les deux frères partirent comme volontaires pour l’armée d’Italie et servirent, comme on disait alors, pour leur plaisir, avec le comte d’Enghien. Coligny fut grièvement blessé à Cerisoles, où il marchait sous la cornette du général en chef; le dauphin l’appela peu après auprès de lui et lui donna un régiment pendant la campagne purement défensive, qui fut suivie de la paix conclue avec Charles-Quint, à Crépy-en-Laonnais, puis, la guerre continuant avec les Anglais, Coligny accompagna le dauphin au siège de Boulogne. Il prit part à une expédition maritime dirigée contre les côtes anglaises qui resta sans résultat. La paix fut signée à Camp le 7 juin 1546 et rendit Coligny et d’Andelot au repos.

Quand Henri II monta sur le trône, Coligny fut nommé « colonel et capitaine-général de toutes les bandes de gens de pied françois, » charge d’une grande importance, car sous François Ier, l’infanterie était devenue plus nombreuse que dans les temps précédens et avait commencé à jouer un rôle plus important dans les batailles.