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fresques du palais de Schifanoia l’apparence de personnages du XVe siècle, non-seulement par leur expression, mais par leur costume, et les figures nues laissent encore beaucoup à désirer. Il y avait là, du moins, un effort méritoire dans une voie nouvelle, et la gaucherie même ou l’invraisemblance n’est qu’un signe du temps précieux à constater.

Après les réminiscences mythologiques, ce qui charmait le plus un lettré du XVe siècle, ce qui sollicitait partout le pinceau du peintre, c’était l’allégorie. Ce goût remonte à Dante et à Giotto. Simone di Martino, Ambrogio Lorenzetti, Sandro Botticelli, d’autres encore, n’avaient pas peu contribué à le répandre. Malheureusement, la subtilité des humanistes et des artistes dégénérait souvent en obscurité, et leurs allégories déconcertent en général les conjectures des érudits les plus perspicaces. Dans les figures qui entourent ici les signes du zodiaque, on a cru reconnaître le Printemps, l’Activité, la Paresse, la Félicité maternelle, la Débauche, l’Enseignement de la musique ou de la poésie, la Prudence, le Commerce malheureux, le Vol, le Pouvoir, la Modération dans le commandement, l’Avidité des ambitieux, le Calcul, la Pureté, le Libertinage ; mais, pour plus d’une de ces figures, le champ reste ouvert aux hypothèses. Il faut avouer que de pareilles personnifications n’étaient pas faciles à caractériser nettement. L’indécision de la main a suivi l’indécision de la pensée, et l’on peut dire que, dans les fresques du palais de Schifanoia, la partie allégorique, à quelques exceptions près, est la moins réussie, la moins conforme aux exigences esthétiques de la beauté.

Parmi les sciences à la mode au XVe siècle, il faut ranger l’astronomie, telle que l’avait conçue Ptolémée. Elle occupait une grande place dans la pensée, dans les spéculations des hommes d’étude, et les gens même qui ne l’approfondissaient pas aimaient à en entendre parler ou à voir fixée sur les murs par le dessin et la couleur l’image des constellations auxquelles bon nombre d’entre eux attribuaient une influence sur la vie humaine. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner si l’on a songé, pour la décoration du palais de Borso, aux signes du zodiaque et aux planètes. Leur intervention, au surplus, était toute naturelle puisqu’il s’agissait de représenter les mois, et les exemples ne manquaient pas ailleurs. Un siècle auparavant, Guariento, imitateur de Giotto, avait peint dans le chœur de l’église des Eremitani, à Padoue, Saturne, Jupiter, Mars, Vénus et Mercure. À Sienne, en 1414, Taddeo Bartoli avait introduit dans le palais public l’image de Mars et de Jupiter, et vers 1420 un nouveau cycle astrologique avait été figuré sur les murs du Palazzo della Ragione, à Padoue. Les artistes qui travaillèrent dans l’habitation princière de Schifanoia devaient avoir eux-mêmes des imitateurs plus illustres