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étaient vêtus de drap d’or, ses écuyers de brocart d’argent. Si le luxe de Borso satisfaisait une inclination personnelle, il répondait aussi à un calcul politique. Il imposait au peuple, qui partout se laisse éblouir ou séduire par le faste, et donnait une haute idée de la puissance du prince à tous les états italiens, entre les chefs desquels il y avait assaut d’ostentation.

Cette ostentation se manifestait aussi par le nombre et la beauté des chevaux. Dans les écuries de Philippe-Marie Visconti, on ne comptait pas moins de cinq cents chevaux, dont quelques-uns avaient coûté jusqu’à 1,000 ducats d’or. François Gonzague possédait des jumens d’Espagne et d’Irlande. L’Afrique, la Thrace et la Cilicie lui en avaient également fourni. Pour s’en procurer, il cultivait avec soin l’amitié des grands sultans. A voir les nombreux chevaux qui marchent ou galopent dans les paysages que présentent les fresques du palais de Schifanoia, on est en droit de supposer que le duc de Ferrare et les seigneurs de sa cour n’hésitaient pas non plus à s’imposer de lourds sacrifices pour peupler leurs propres écuries. Cette supposition est confirmée par des faits. Lorsque Frédéric III vint à Ferrare, en 1452, Borso lui donna cinquante chevaux de choix. Borso, de son côté, reçut en présent douze chevaux du roi de Tunis. Or celui-ci savait évidemment que, par ce genre de cadeau, il flatterait un des goûts du souverain de Ferrare, auquel il tenait à témoigner son estime et sa sympathie.

Au goût des chevaux s’associait chez Borso la passion de la chasse. Voilà probablement pourquoi les peintres du palais de Schifanoia n’ont pas craint de montrer plusieurs fois dans la même salle le duc à la poursuite des quadrupèdes et des volatiles. Du reste, la chasse n’était pas simplement son passe-temps favori; c’était aussi pour lui un moyen de fêter ses hôtes de distinction. Il mettait à leur disposition ses chevaux, ses équipages, ses chiens, ses éperviers, ses faucons, et, à la tête des gentilshommes de son entourage, il parcourait avec eux les giboyeuses campagnes de ses états. C’est ainsi qu’en 1462 il associa Lodovico, marquis de Mantoue, à une série d’expéditions contre les lièvres et les perdreaux, tout en se faisant accompagner d’une centaine de cavaliers revêtus d’élégans costumes. L’amour de la chasse était assez vif chez Borso pour que ce prince eût fait figurer, dans le pompeux cortège qu’il emmena à Rome en 1471, quatre-vingts valets conduisant chacun quatre chiens, et sa passion était si notoire que Paul II ne négligea pas de la satisfaire. Tous les historiens célèbrent la chasse à laquelle le pape convia son illustre visiteur, tant elle eut d’éclat. Pigna et Bellini prétendent même que le souverain pontife en fît perpétuer le souvenir par l’exécution d’une médaille; mais la pièce dont ils parlent, à en juger par son style, date seulement de la fin