Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 58.djvu/637

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les figures sont mieux disposées, où les attitudes sont plus naturelles et plus gracieuses, où l’exécution est plus libre que dans les autres compositions, on ne peut s’empêcher de songer à lui, ou du moins à quelque artiste pénétré de ses principes et de son style. Il est manifeste que certaines physionomies, certaines coiffures, certains ajustemens font songer aux fresques exécutées à Arezzo dans l’église de Saint-François par Piero della Francesca. Il suffit de se rappeler les deux femmes derrière la reine de Saba en prière, celles qui l’accompagnent dans son entrevue avec Salomon, l’impératrice Hélène et ses suivantes devant la croix de Jésus retrouvée. Les analogies que nous constatons n’ont rien de surprenant. Ne sait-on pas, par le témoignage de Vasari, que Piero della Francesca, appelé à Ferrare par Borso, y séjourna longtemps, qu’il exerça sur plusieurs artistes de cette ville une influence considérable et qu’il exécuta lui-même, au rez-de-chaussée du palais de Schifanoia, des peintures qui furent détruites quand Hercule Ier modifia l’aménagement intérieur de l’édifice? Peut-être les compositions placées au-dessus du Bélier, du Taureau et des Gémeaux ont-elles été peintes sous ses yeux. Il pouvait se trouver encore à Ferrare pendant les dernières années du règne de Borso et même pendant les premières du règne d’Hercule, car si vers la fin de sa vie il devint, pour une cause ou pour une autre, incapable de pratiquer son art, ou a la preuve qu’il l’exerçait encore en 1478.

D’après MM. Crowe et Cavalcaselle, l’influence de Piero della Francesca, à Ferrare, s’exerça principalement sur Francesco Cessa. C’est à ce peintre qu’ils attribuent les trois premières compositions de la zone supérieure, lui donnant Galasso pour collaborateur dans celles qui se rapportent au mois d’avril et au mois de mai. Dans la zone intermédiaire, les Gémeaux seraient également de Cossa. Ces différens tableaux semblent, en effet, appartenir au même maître; seulement, quelques parties trahissent le concours d’une main moins habile. Quant à nous, nous avouons ne pas saisir les rapports qui rattacheraient aussi directement Cossa à Piero della Francesca. Les figures qui entourent la Madonna del Baracano (1472), la Vierge entre saint Jean et saint Petronio à la Pinacothèque de Bologne (1474), les douze apôtres dans la chapelle des Marsilii, à San-Petronio, et le vitrail rond qui, à San-Giovanni in Monte, représente au-dessus de la grande porte saint Jean écrivant l’Apocalypse, sont les seules œuvres authentiques qui subsistent de lui, et elles rappelleraient plutôt Tura que l’auteur des fresques d’Arezzo. Contemporain de Tura, il mit à profit, comme lui, les enseignemens de l’école ouverte à Padoue par le Squarcione vers 1430 et les exemples de Mantegna. La préoccupation du beau ne règne guère plus chez lui que chez Tura; mais son pinceau a plus de souplesse, la structure de