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ventilation est insuffisante, il arrive un moment où il devient impropre à la ; respiration. C’est le moment où les impuretés dont l’atmosphère est chargée deviennent perceptibles à l’odorat et provoquent le malaise caractéristique de l’air « confiné. » On admet généralement que cet état se manifeste quand la proportion d’acide carbonique approche de 0,001[1]. L’observation montre, en effet, que l’acide carbonique augmente comme le degré d’insalubrité de l’air et peut, jusqu’à un certain point, en fournir la mesure, quoiqu’à la vérité le malaise qu’on éprouve dans l’air confiné doive être plutôt attribué aux matières organiques putrescibles que renferment les produits de la respiration et de la transpiration. D’après Péclet, l’air expulsé par des cheminées d’appel destinées à la ventilation de salles d’assemblées nombreuses exhale une odeur tellement infecte qu’on ne saurait la supporter impunément, même pendant un temps très court. L’odeur désagréable qui caractérise l’air confiné (odeur de renfermé) serait due, d’après quelques chimistes, à une substance particulière qui s’échappe des poumons, substance qui présente une réaction alcaline et dégage de l’ammoniaque[2].

Les vrais coupables, ce sont ces miasmes qui affectent l’odorat. L’acide carbonique, gaz relativement inoffensif, n’est que l’indicateur de l’altération progressive de l’air. Il résulte des expériences de MM. Regnault et Reizet qu’un animal peut vivre dans une atmosphère contenant 0,07 d’acide carbonique, pourvu que la proportion d’oxygène y soit maintenue à 0,21. On a vu, d’autre part, des animaux périr dans une enceinte close, lors même qu’on éliminait l’acide carbonique à mesure qu’il se formait, et qu’on restituait à l’air l’oxygène perdu. Enfin, Mantegazza a fait voir que, si l’on place deux oiseaux sous deux cloches de verre et qu’on absorbe par la chaux vive l’acide carbonique fourni par le premier, et par le charbon animal les matières organiques exhalées par le second, ce dernier résiste beaucoup plus longtemps que l’autre. Ajoutons que M. Pettenkofer a pu respirer pendant quelques heures, sans en être incommodé, de l’air qui contenait 0,01 d’acide carbonique développé non par la respiration, mais par une opération chimique.

Tout cela prouve bien que les quelques millièmes d’acide carbonique que renferme une atmosphère viciée par la respiration ne sont pas la cause des effets qu’elle produit. L’oxygène diminue à peu près dans la même proportion qu’apparaît l’acide carbonique ;

  1. D’après les observations que M. de Chaumont a faites dans les casernes anglaises, l’odeur commence à se manifester quand la proportion atteint 0,0008, et cet hygiéniste voudrait réduire la dose admissible à 0,0006 ; mais je crois qu’il suffira d’adopter 0,001 pour la limite qu’on sera trop heureux de ne pas dépasser dans la pratique.
  2. Elle noircit l’acide sulfurique, décolore le permanganate de potasse et communique à l’eau, en s’y dissolvant, une odeur fétide. (A. Proust, Traité d’hygiène, p. 341.)