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féminine, ce sont les cheveux qui en constituent aujourd’hui la partie essentielle.

Le lit n’est pas seulement un meuble indispensable pour assurer notre repos, — meuble insaisissable heureusement, refuge précieux où le moderne Antée retrouve des forces pour les luttes de la vie, — il est, à vrai dire, un vêtement de nuit. Comme les autres vêtemens, il doit être à la fois chaud et perméable à l’air. La chaleur que le corps cède aux matelas et aux couvertures est continuellement enlevée par l’air qui les traverse, a Les couches destinées à régler l’écoulement de la chaleur, dit M. Pettenkofer, sont ici plus épaisses que dans les vêtemens qui nous couvrent pendant le jour, pour deux raisons : d’abord parce que, la circulation étant moins active pendant le repos et le sommeil, il se dégage moins de chaleur ; ensuite parce que, dans la position horizontale, les courans ascendans nous refroidissent plus vite que dans la position verticale, où ils montent des pieds à la tête en parcourant tout le corps. » La chaleur du lit favorise ainsi la circulation périphérique et soulage les organes intérieurs chargés d’entretenir la calorification. Se passer de lit pendant plusieurs jours de suite constitue une grande privation, non-seulement parce que les membres se reposent mal, mais encore parce qu’il en résulte des troubles de l’économie. Mais, d’autre part, un coucher trop chaud et trop mou est mauvais, parce qu’il maintient le corps dans un état de moiteur qui affaiblit le système musculaire et alanguit toutes les fonctions. Les lits de plume sont plus souvent nuisibles qu’utiles ! Ce qui les rend si chauds, c’est l’air qu’ils contiennent. Les matelas d’air, qu’on fait enfler au moyen d’un soufflet, paraissent être aussi chauds que les lits de plume. L’oiseau, lui aussi, veut s’envelopper, pour dormir, d’un peu de chaleur : il se gonfle, hérisse ses plumes, se met en boule ; son vêtement de nuit est une épaisse couche d’air.

Je me suis efforcé de mettre en lumière quelques-uns des principes qui se dégagent des récentes recherches sur la fonction des vêtemens. L’importance de ces principes une fois bien reconnue, nous verrons peut-être s’introduire des modifications de la forme des vêtemens, plus intéressantes que celles qu’amènent les caprices de la mode. Beaucoup de mes lecteurs, sans doute, se rangeront à l’avis de M. Proust, pour qui, sauf les détails assez variables de la coupe, nos habits sont maintenant définitifs, ayant acquis l’inamovibilité des choses utiles ; mais voilà qu’en Amérique il se manifeste une vive agitation en faveur d’un changement du costume féminin. Il faut en convenir, les raisons de goût et d’esthétique dominent encore trop la question du costume, qu’elles réduisent à une