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Les navires qui transportent des cargaisons de glace de Boston à Calcutta reçoivent les blocs emballés dans de la sciure de bois ; on parvient ainsi à les conserver au moins en partie. Des torrens de lave, coulant sur un lit de cendres qui recouvrait une couche de glace, ont laissé la glace intacte ; on garnit de cendre la double paroi des armoires de sûreté. Sous la neige en flocons spongieux, les plantes sont préservées de la gelée, et elles gèlent quand la neige vient à être trop tassée. Pour protéger les espaliers, on les couvre de paille. Des murs à double paroi de bois, garnis de sciure, seraient très utiles, n’était le danger d’incendie. Dans les fourrures des quadrupèdes et dans le plumage des oiseaux, nous retrouvons des corps mauvais conducteurs divisés à l’infini. Le duvet du cygne et celui de l’eider sont des merveilles d’adaptation au but.

Dans la fabrication des tissus destinés à nous vêtir, ces principes sont, d’une manière plus ou moins inconsciente, mis à profit. On obtient des vêtemens très chauds avec des tissus légers, lâches et spongieux, pouvant retenir dans les interstices de leurs fibres un grand volume d’air ; j’ai dit : retenir, il serait plus juste de dire : laisser passer. En effet, l’air tiède que renferment nos habits n’est pas immobile, il circule et se renouvelle sans cesse en filtrant à travers les enveloppes que nous croyons, à tort, destinées à nous isoler du milieu ambiant. C’est même une condition essentielle pour un bon vêtement de ne pas mettre obstacle à la ventilation. Les étoffes les plus chaudes laissent passer l’air plus facilement que les tissus réputés frais. M. Pettenkofer a démontré cette vérité en mesurant les volumes d’air qui traversaient, sous la même pression et dans le même temps, une série de tubes fermés par des morceaux d’étoffes de nature diverse ; les nombres suivans donneront une idée de leur perméabilité relative :


Flanelle 100 Drap fort 58
Toile 58 Peau de daim 51
Soie 40 Peau glacée 1


La flanelle est donc cent fois plus perméable à l’air qu’un gant glacé et cependant nous savons qu’elle tient infiniment plus chaud. En mettant des couches doubles, on ne modifie que très peu les volumes d’air transmis.

Ainsi, nos vêtemens sont continuellement aérés par un échange dont l’activité dépend de la température extérieure, du degré d’agitation de l’atmosphère et de la porosité des tissus ; l’essentiel est que cet échange soit assez lent pour que les nerfs du toucher n’en soient point affectés. Les vêtemens sont des sortes de petits