Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 58.djvu/407

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un anémomètre très sensible entre le gilet et les vêtemens extérieurs : le petit moulinet se met à tourner sous l’action des courans. L’atmosphère en apparence la plus calme est d’ailleurs agitée, à notre insu, par une foule de mouvemens qui échappent à nos sens parce que les courans d’air ne commencent à impressionner nos organes que lorsque leur vitesse approche de 1 mètre par seconde : une vitesse de 0m,50 n’est généralement pas perçue ; on peut s’en assurer en agitant lentement la main. La facilité avec laquelle les parfums, qui sont des effluves matériels, se répandent dans un air calme est une preuve indirecte de l’existence de ces courans. Il est clair que cette agitation perpétuelle de l’atmosphère contribue puissamment à la réfrigération du corps ; l’effet cependant est beaucoup plus marqué en plein air, où nous sommes exposés à l’action des vents.

Dans nos climats, la vitesse moyenne des courans d’air qui sillonnent l’atmosphère libre peut être estimée à 3 mètres par seconde, de sorte que l’air fait en moyenne onze kilomètres par heure. En admettant maintenant que la surface du corps exposée aux courans est de 1 mètre carré, il passe sur un homme qui se promène pendant une heure en moyenne 11,000 mètres cubes d’air frais. On voit, soit dit en passant, que les médecins qui réclament pour chaque malade, dans une salle d’hôpital, 60 mètres cubes d’air par heure, ne demandent en somme que cent quatre-vingts fois moins que la quantité d’air dont peut jouir un habitant de la campagne. Le nombre de calories que les courans d’air nous enlèvent à chaque instant est difficile à évaluer, car on manque de données sur la température que les couches d’air prennent pendant leur rapide passage sur une surface chaude ; il n’en est pas moins sûr que la perte de chaleur est très sensible par un vent froid, comme chacun a pu le constater par lui-même.

Dans les pays chauds, on recherche l’ombre, non-seulement parce que l’air y est plus frais, mais encore parce qu’il y est plus agité, grâce aux différences de densité qui naissent d’un échauffement inégal. La ressource suprême dans les jours de forte chaleur, c’est, pour les Anglais de l’Inde, retirés dans leurs bungalows, le punka, cette longue pièce de toile suspendue au plafond, à laquelle une corde dans la main d’un indigène imprime un mouvement de va-et-vient par-dessus les têtes des assistans. Les serviteurs se relaient et l’immense éventail s’agite sans relâche ; malgré tout, les maîtres s’aperçoivent que la civilisation dispose de moyens plus variés et plus efficaces pour combattre le froid que pour nous garantir de la chaleur. C’est la raison qui fait que l’Européen s’acclimate si difficilement sous les tropiques. L’Indou réduit sa