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anciennes parties de la Rome souterraine ne sont pas la cité dolente de Dante, le séjour des larmes et des regrets. Une joie douce, grave et confiante respire dans plus d’une représentation figurée des catacombes. Mais dans ces peintures pénétrées d’une sereine allégresse, tout est pur, noble, élevé. On sait bien que la gaîté des païens n’a pas toujours ces accens. Trop souvent la grossièreté ou l’immoralité la dégradent. On sait aussi quelle tristesse sombre et sans espoir se lit d’ordinaire dans les inscriptions de la plupart de leurs tombeaux, comme aussi le souvenir du rang, des titres, des hautes fonctions remplies, que l’humilité des premiers âges chrétiens a volontairement oubliés.

Le style des décorations et des peintures est cependant le même dans les catacombes et au dehors. Telle scène du cimetière de Prétextat[1] représentant un jeune homme, le pallium drapé à la grecque comme un orateur, parlant à une jeune femme qui tient à la main un vase rempli d’eau tirée d’une citerne qui est à ses pieds, pourrait être une peinture païenne. C’est moins le sentiment religieux, qu’avec la meilleure bonne volonté du monde on ne saurait distinguer dans les attitudes et les physionomies des deux personnages, que le lieu où cette peinture a été trouvée qui permet d’y voir le souvenir d’un épisode évangélique, celui de Jésus et de la Samaritaine. On peut en dire autant d’une autre scène analogue[2] trouvée dans le même caveau funéraire. Le tableau représente une femme à demi courbée vers une citerne, les deux bras étendus du côté du puits, et retenant d’une main l’anse du seau qui repose sur la margelle ; plus haut, à gauche, un personnage semble assis, comme sur les fresques pompéiennes on représentait quelque divinité de l’Olympe. Il paraît qu’il s’agit encore ici de Jésus et de la Samaritaine. Quelques-uns du moins voient Jésus dans le personnage qui n’est pas de plain-pied avec la puiseuse d’eau. Le père Garrucci devine en lui le dernier des prophètes, Malachie, celui qui annonçait l’arrivée du messager. C’est dans ces interprétations variées que triomphe la double vue. Qui n’aurait que la vue simple et rencontrerait cette peinture du cimetière de Calliste n’y verrait pas tant de malice en vérité. M. Roller discerne dans cette petite scène domestique une révolution qui s’est faite dans l’église, un oubli de la simplicité primitive. Le personnage qui siège en haut, « c’est, dit-il, la prééminence du docteur sur le simple fidèle qui a déjà surgi. On ne se parle plus d’égal à égal. Celui qui enseigne siège doctoralement. Le prêtre a pris le rôle des anciens prophètes dans l’ordre religieux comme

  1. Planche XXIV, n° 7.
  2. Même planche n° 8.