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publication de sa lettre au ministre d’état, M. Fould, était la préface du traité. Cobden avait reçu de Londres le pouvoir pour signer, avec lord Cowley, l’acte diplomatique. La signature eut lieu le 2S janvier 1860.

Telle est l’histoire du traité de 1860, auquel demeure attaché, en France comme en Angleterre, le nom de Cobden. Nous aurions voulu, si le cadre de cette étude l’eût permis, reproduire complètement les lettres et les notes écrites par Cobden pendant le cours des négociations. Les entretiens de ce plénipotentiaire improvisé avec l’empereur, avec le prince Napoléon, avec les ministres, ses impressions sur les hommes et sur les choses, ses réflexions sur le caractère et l’attitude des ministres anglais, composent un des chapitres les plus intéressans de la biographie de Cobden. Voici, en peu de mots, l’exacte vérité qui se dégage de ces divers documens. Dans la pensée de Cobden, de Michel Chevalier et de M. Rouher, le traité de 1860 a été tout à la fois un acte de politique pacifique et de réforme commerciale. Dans la pensée de l’empereur, le traité a été, avant tout, un acte politique. Les conférences de Cobden sur la liberté des échanges n’auraient point suffi pour convaincre Napoléon III ; c’est le désir, c’est le besoin de la paix, ce sont les déclarations de M. de Persigny, qui ont, à deux reprises, triomphé des hésitations du souverain. Quant au gouvernement anglais, il a joué, dans toute cette affaire, un rôle indifférent, presque passif. Il a laissé Cobden se démener, discuter, pérorer à Paris, et détailler à tous venans les versets de l’évangile de Manchester ; mais, pendant ce temps, au grand chagrin de Cobden, il s’occupait du Maroc. Il a pris le traité, quand il a été fait, parce qu’il le trouvait bon ; il est même permis de croire que, dans les bureaux du foreign-office, le succès de ce diplomate en redingote, qui en quelques semaines venait d’obtenir un résultat vainement cherché depuis plus de trente ans par la diplomatie officielle, avait paru quelque peu impertinent.

Tout cela diminue singulièrement le triomphe du libre échange et la légende du « coup d’état économique. » Nous avouons, pour notre part, que cette simple histoire du traité de 1860, écrite par celui qui y a tenu le premier rôle, est de nature à rectifier les jugemens portés jusqu’ici et à détruire certaines illusions qu’il nous était agréable de partager. Mais, après tout, si ce traité a eu pour effet de prévenir une guerre qui semblait alors inévitable, de maintenir la paix entre deux grands pays et d’assurer ainsi, pendant une série d’années, le repos du monde, n’est-ce point par cela seul un acte considérable qui fait honneur à ceux qui l’ont conçu, préparé et accompli ? Que, du même coup et par surcroît, le traité ait réformé dans un sens libéral la législation économique, les free-traders