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par la réduction du budget militaire et pratiquant la paix internationale au moyen du principe de non-intervention. — Ces différentes questions, soulevées à propos des corn-laws, développées en maintes occasions par les orateurs de la ligue, procédaient directement de l’esprit démocratique dont la réforme s’était inspirée ; elles touchaient aux institutions, à la politique, à l’organisation sociale ; elles impliquaient des modifications profondes dans la pratique du gouvernement et elles formaient, par leur enchaînement logique, un véritable corps de doctrines. Tel était le programme de l’école de Manchester.

Cobden s’était retiré complètement des opérations industrielles et commerciales ; il avait quitté Manchester, dont le climat était peu favorable à sa santé, et racheté le domaine paternel de Dunford, où il installait sa famille. Pendant la session, il habitait Londres. Le règlement de ses affaires privées lui rendait son entière liberté pour ses travaux parlementaires et pour l’étude des projets de réformes dont son esprit était sans cesse occupé. De 1848 à 1856, le nom de Cobden se rencontre dans toutes les discussions de la chambre des communes. Pour raconter sa vie durant cette période, il faudrait retracer les événemens qui se sont produits en Angleterre et en Europe, les manœuvres des partis, les changemens de cabinets, les relations avec les états étrangers, notamment avec la France, la guerre de Crimée, etc. Cobden et M. Bright y tinrent par la parole une grande place ; ils surent imposer au ministère protectionniste de lord Derby le maintien du free-trade ; ils luttèrent sans relâche contre la politique extérieure de lord Palmerston, et, chefs d’école plutôt que chefs de parti, ils firent entendre au parlement, avec le genre d’éloquence qui était particulier à chacun d’eux, soit les protestations véhémentes du droit contre la force, soit les enseignemens plus calmes de l’économie politique. Il n’y a dans l’histoire parlementaire d’aucun pays rien qui ressemble à l’union de ces deux esprits, à la fusion de ces deux âmes, ne respirant que pour le bien public, pour l’humanité autant que pour la patrie, et cherchant à faire pénétrer dans la politique et dans la législation des principes de liberté, d’égalité, de justice et de paix. Les discours prononcés par Cobden et par M. Bright, soit à la chambre des communes, soit dans de nombreux meetings, ne donnent qu’une idée incomplète de leurs travaux et de leurs aspirations. C’est surtout dans leur correspondance intime qu’il convient de rechercher l’origine de leurs plans de réforme, les motifs de leurs actes publics et la justification de leurs rêves. A cet égard, le biographe de Cobden n’avait qu’à choisir dans une abondante collection de lettres et de notes, car Cobden écrivait toujours. Sans entrer ici dans les détails de cette correspondance, il y a quelque