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et des amis se partagèrent l’entretien de cette nombreuse lignée. Richard, alors âgé de dix ans, fut adopté par un oncle, négociant à Londres, qui le mit dans une pension du Yorkshire, où il resta cinq années, séparé de tous les siens, négligé par ses maîtres, et n’apprenant guère. Cobden garda toujours rancune à cette période de son enfance et à sa vie d’écolier. En 1819, il entra dans les magasins de son oncle, qui le destinait au commerce des cotonnades. Il vécut à Londres jusqu’en 1825, commis exact et rangé, ne fuyant pas les distractions de son âge, mais consacrant à l’étude la plus grande part de ses heures de loisir. S’il accompagnait parfois ses jeunes camarades au théâtre, au Vauxhall, aux salles de boxe, il demeurait plus souvent plongé dans les livres ; il employait ses économies à l’achat des œuvres de Brougham, de Franklin, de Byron, et il s’obstinait, malgré les remontrances affectueuses de son patron, à apprendre le français, langue inutile pour un aspirant commis-voyageur qui allait être appelé à colporter des échantillons et à recueillir des ordres dans les trois royaumes. Dès l’âge de vingt-un ans, Cobden, en cette nouvelle qualité, eut à visiter les principaux marchés de l’Angleterre ; il parcourut ensuite l’Ecosse, puis l’Irlande, avec succès sans doute, car la correspondance que le jeune voyageur échangeait avec sa famille pendant ses tournées était pleine de gaieté et de bonne humeur. Cela ne suffit pas pour sauver la maison de Londres, qui. frappée par le contre-coup d’une crise financière, fut obligée de suspendre ses opérations et de congédier tous ses commis.

Cobden ne demeura pas longtemps sans emploi. Il reprit son existence de commis-voyageur, dépliant par toute l’Angleterre les calicots imprimés et les mousselines de la maison Partridge et Price, Après deux années de cet apostolat qui l’avait mis en rapport avec les principaux industriels et négocians du Lancashire, il se sentit assez de force et de crédit pour travailler à son compte, et il fonda une maison de commission qui ne tarda pas à prospérer. L’ambition lui vint en vendant ; il voulut fabriquer, et, en 1831, à la suite d’une réforme de tarif qui donna un grand élan à l’industrie des tissus, il créa à Sabden, dans le Lancashire, une manufacture d’étoffes imprimées, avec comptoir et magasins à Manchester et à Londres. L’entreprise réussit ; avec un capital d’emprunt, elle réalisa, en peu de temps, un bénéfice considérable. Délivré des soucis de la vie par cette fortune rapide qu’il partageait avec sa nombreuse famille, Cobden put s’abandonner à son goût pour l’étude et prendre part aux discussions politiques et économiques qui, depuis l’acte de réforme, s’agitaient dans les grandes villes de l’Angleterre. Dès sa première jeunesse, il avait écrit une comédie, le Phrénologiste