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moi. » Le comte de Montmorin résistait absolument à cette combinaison ; il avait bien voulu se prêter à un éloignement du duc, mais il se refusait à lui accorder sa confiance et à déplacer M. de La Luzerne.

Les trames qui se nouaient et se dénouaient à Paris autour de son nom vinrent ajouter à la difficulté du séjour du duc d’Orléans à Londres. Un de ses intimes, le baron de Menou, avait été appelé au nom du roi dans le cabinet de Montmorin. Il lui reprochait d’avoir dans une correspondance rendue publique en Angleterre, parlé de la banqueroute comme inévitable. Le duc d’Orléans, instruit de cette nouvelle par M. de La Touche, protesta énergiquement, demanda une enquête et parvint à faire agréer ses justifications, Il insistait également pour que ses pouvoirs fussent confirmés et étendus. « Le moyen le plus sûr et le plus noble, pour Monseigneur, de détruire jusqu’à l’apparence des calomnies dont il se plaint, lui écrivait Montmorin le 31 mai 1790, c’est de rendre son séjour à Londres utile à la nation et au roi. M. de La Luzerne se trouvera trop heureux que Monseigneur veuille bien lui donner ses conseils et l’aider de ses moyens et l’on peut se reposer sur son honnêteté du soin de publier les services que Monseigneur aura rendus, »

M. de La Luzerne n’était pas aussi bien disposé que le croyait le ministre des affaires étrangères ; en relations confidentielles avec La Fayette, notre ambassadeur le tenait au courant des moindres faits et gestes du duc d’Orléans et de Mme de Buffon, qui l’avait suivi en Angleterre. « Le duc d’Orléans n’est guère plus heureux avec les Anglais qu’avec les Français. On le regarde comme ayant déserté son parti, ce qui est dans ce pays-ci un crime capital et dont on lui sait extrêmement mauvais gré. Il se borne donc à la société de son ami le prince de Galles, de quelques complaisans et de Mme de B… Il ne me paraît pas, cependant, désireux du tout de retourner en France. Je vous assure, mon cher marquis, que je surveillerai de près ses démarches et qu’il ne sortira pas sans que vous en soyez prévenu. » M. de La Luzerne se trompait, le duc d’Orléans était pressé de retourner à Paris. Le 25 juin 1790, il écrivait à Montmorin qu’il se disposait à partir. La Fayette, instruit de son désir de retour, lui envoyait sur-le-champ un aide-de-camp, M. de Boinville, le conjurant, pour éviter des troubles, de rester éloigné. Le duc d’Orléans ne voulut pas entendre raison ; il adressa à l’assemblée nationale une note par laquelle il déclarait urgent le devoir d’aller reprendre ses fonctions de député et reconnaissait que son séjour en Angleterre n’était plus dans le cas d’être utile aux intérêts de la nation. La Fayette eut beau dire à l’assemblée que les mêmes raisons qui avaient déterminé le duc d’Orléans à accepter une mission