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cres exploits, qui ne trouble pas seulement la France dans sa vie intérieure, qui peut avoir aussi des conséquences extérieures de plus d’un genre dans l’état présent de l’Europe.

Que disons-nous là ? M. le président du conseil n’a-t-il pas cent fois déclaré dans ses discours qu’il ne voulait pas de cette guerre religieuse ? Tout le monde le sait, il ne veut que la paix, et, au besoin, il l’irait dire à Rome ! Il n’y a qu’un malheur, c’est que toutes les fois que le gouvernement renouvelle les déclarations de cette nature, on est à peu près sûr qu’elles vont être démenties, à l’instant même, par les faits, Le gouvernement va défendre le concordat devant les commissions parlementaires, et en même temps il supprime ou suspend par voie d’arbitraire administratif les traitemens des ecclésiastiques reconnus par le concordat. Il proteste de son respect pour les choses religieuses, pour la liberté des croyances, et, hier encore, il accomplit ou laisse accomplir ce dernier acte, le plus répugnant de tous peut-être, le plus blessant pour les esprits honnêtes, — la suppression des aumôniers des hôpitaux. Lorsqu’il y a deux ou trois semaines, un homme aussi instruit que modéré, M. Bérenger, interrogeait le gouvernement au sujet d’une mesure qu’on savait déjà impérieusement réclamée par le conseil municipal de Paris, M. le ministre de l’intérieur répondait avec peu de netteté, — sans décourager pourtant M. Bérenger. Il s’exprimait en homme qui hésitait, qui paraissait sentir l’indignité de l’acte qui se préparait. L’hésitation, si elle existait, n’a pas longtemps duré, et, il n’y a que peu de jours, un arrêté de M. le préfet de la Seine, pris sur la proposition de M. le directeur de l’Assistance publique, a définitivement prononcé la suppression de l’aumônerie dans les maisons hospitalières. Il n’y a plus d’aumôniers, voilà qui est clair ! Peut-on invoquer sérieusement quelque raison de légalité ! Un sénateur qui est, comme M. Bérenger, un savant juriste et un républicain sincère, M. Jouin, a récemment démontré que les décrets de fondation, les lois municipales, faisaient du traitement des aumôniers une dépense obligatoire qui pouvait toujours être rétablie d’office, que dans tous les cas, un simple arrêté préfectoral ne pouvait pas révoquer ce qu’avait fait un décret législatif du gouvernement consulaire. Y avait-il quelque raison morale qui pût être invoquée, ne fût-ce que comme atténuation ? S’il y a un lieu où le prêtre soit bien placé, c’est sans nul doute la maison des déshérités, des malades et des mourans, à qui l’état n’offre pas des secours apparemment pour leur refuser les dernières prières !

Ni la loi, ni les convenances d’aucune sorte n’expliquent ou n’autorisent donc cette suppression des aumôniers des hôpitaux ; mais le conseil municipal de Paris avait parlé, M. le directeur de l’Assistance publique a obéi au conseil municipal, M. le préfet de la Seine a obéi à M. le directeur de l’Assistance publique, et M. le ministre de l’intérieur couvre aujourd’hui de sa responsabilité l’œuvre de l’esprit de