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n’avons pu donner qu’une idée trop sommaire, il y aurait maintenant à dire quelques mots de l’intérêt général de ces conférences. On y pourrait relever, par exemple, l’idée que tous ces maîtres de l’art français se font de la dignité de leur art. Je ne parle pas des déclamations un peu pompeuses, en même temps qu’un peu naïves, d’Antoine Coypel sur l’Excellence de la peinture ; où peu s’en faut que les grands hommes ne soient estimés à mesure du cas qu’ils ont fait des peintres de leur temps et des décorations dont ils les ont honorés. « Stella fut chevalier de Saint-Michel aussi bien que Le Brun… Mignard de même… Carle Maratte a été fait chevalier par les mains du pape en plein sénat… » Mais je veux parler, et le lecteur en a sans doute entrevu quelque chose, de l’étendue d’instruction et de la qualité d’éducation qu’ils exigent ou au moins qu’ils réclament du peintre. Il est vrai qu’il y allait pour eux d’une question de vie ou de mort. En effet, dans les premiers temps de l’Académie royale, quand elle était encore aux prises avec la corporation des « maîtres, » il s’agissait de savoir s’ils demeureraient, comme jadis, confondus parmi les artisans, ou s’ils prendraient rang dans la société de leur temps et deviendraient des artistes. Leur situation dans le monde, si l’on peut s’exprimer ainsi, dépendait de ce qu’ils sauraient allier d’habitudes libérales avec la pratique de leur art. Mais le fait n’en est pas moins là. Ce sont des esprits cultivés, et quelques-uns d’entre eux, si je ne me méprends pas à la valeur des fragmens que j’en ai cités, sont presque des écrivains. Je donnerais Greuze tout entier, y compris la Cruche cassée, pour quelques tableaux de Poussin à choisir ; et je donnerais tout ce que Diderot a pu dire de Greuze ou de Boucher pour trois ou quatre conférences de Le Brun ou de Philippe de Champaigne. Le cartésianisme y tient sa place, tout comme le sensualisme dans les Salons du philosophe. On peut même trouver qu’ils prennent trop à la lettre la doctrine des « esprits animaux ; » et certainement, dans les premières années surtout, ils en abusent. L’effort qu’ils font pour y conformer notamment leur esthétique de l’expression n’est pas moins remarquable et significatif. On n’a peut-être pas encore assez étudié l’histoire de l’art français au XVIIe siècle dans ses rapports étroits avec la littérature, et même la philosophie, pour ne pas dire la théologie du temps. Enfin la biographie des artistes peut tirer, elle aussi, profit du recueil de ces conférences. Était-ce une de ces idées qui vous viennent on ne sait d’où, qui s’enfoncent dans la mémoire, et que l’on tient pour vraies sans pourtant les avoir jamais vérifiées ? Mais, comme je trouvais dans la pompe décorative des grandes machines de Le Brun je ne sais quoi de contraire, et réciproquement, dans la froideur janséniste des Champaigne je ne sais quoi d’analogue à l’ordinaire sévérité du peintre des Sept Sacre-