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éternelles. Il lui paraîtra peut-être plus curieux de voir de quelle façon magistrale y sont aussi traitées quelques questions, — celle du Plein air, par exemple, ou celle des Valeurs, — que nous considérons volontiers comme nouvelles, pour ne pas dire contemporaines : « Je ne sais pas, disait Fromentin, ici même, il y a quelques années, quelle était, doctrinalement parlant, l’opinion de Pierre de Hooch, de Terburg et de Metzu sur les valeurs, ni comment ils les nommaient, ni même s’ils avaient un nom pour exprimer ce que les couleurs doivent avoir de nuancé, de relatif, de doux, de suave, de subtil dans leurs rapports. » Nous n’avons pour répondre à cette interrogation l’opinion authentique ni de Terburg, ni de Metzu ; mais, pour nous assurer que nos peintres du XVIIe siècle avaient des mots propres à exprimer ce que les « couleurs ont de relatif dans leurs rapports, » nous n’avons qu’à les lire sur Titien ou le Véronèse ; et, pour nous convaincre que l’école flamande possédait à fond la théorie des valeurs, nous n’avons qu’à méditer les paroles et les leçons de Largillière : « Vous savez que dans le coloris on regarde deux choses : la couleur locale et le clair-obscur ; que la couleur locale n’est autre chose que celle qui est naturelle à chaque objet, et que le clair-obscur est l’art de distribuer les clairs et les ombres avec cette intelligence qui fait qu’un tableau produit de l’effet. Mais ce n’est pas assez d’en avoir cette idée générale : le grand point est de savoir comment il faut s’y prendre pour bien appliquer cette couleur locale et pour acquérir cette intelligence qui la met en valeur par comparaison avec une autre. C’est là, à mon sens, l’infini de notre art… » Il faisait ensuite une application du principe à une toile de Titien, ou d’un « bon maître de l’école flamande, » exerçait ses élèves à voir sûrement « ce que les couleurs font les unes contre les autres, » leur répétait « qu’il n’y a point de règle ni de dose qui puisse donner une teinte de quelque espèce qu’elle soit, » et finissait en leur faisant peindre, seul, sur une toile, « un bouquet de fleurs blanches, » ou « un vase d’argent, » rendus dans « leur vrai. » Puis, ramassant en quelque sorte les parties successives de la leçon, il concluait ainsi : « La nature bien vue vous peut seule donner ces lumières originales qui distinguent l’homme supérieur d’avec l’homme commun. Je dis bien vue, car, si vous ne la voyez sans cesse avec les yeux de comparaison que je vous demande, il n’y a rien de fait. Vous comprenez bien que ce ne serait pas la voir comme il faut que de la soumettre à un goût particulier que vous auriez pris pour un coloris de manière qui ne ferait que vous la déguiser à vous-même… Non, il faut qu’il n’entre pas un objet dans votre tableau, ni principal, ni accessoire, que vous n’ayez étudié dans cet esprit de lui donner la couleur juste qu’il doit avoir par lui-même, et que le ton de cette couleur soit réglé par les objets dont il est environné. » J’ai tenu à détacher de cette page, pour le mettre plus en lumière, un mot qui devrait être gravé, c’est