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recherché de préférence les genres d’étude qu’il paraissait le plus à propos de recommander dans l’intérêt de notre enseignement national. Archéologie et philologie classique, étude attentive des textes du moyen âge, publication des textes inédits, histoire littéraire, comparaison savante des langues et littératures néo-latines, histoire de l’art, il n’est pas une de ces voies particulières qui ne comporte quelque progrès dont l’École ferait profiter notre système d’instruction publique, supérieure ou secondaire, à condition, — c’est là que l’unité des travaux de l’École se rétablit, — de ne se départir en aucun cas d’une sage méthode partout la même.

Une sévère et saine érudition puisée aux vraies sources et dirigée par une critique rigoureuse et clairvoyante, tel est le but, la règle, le devoir. Peut-être on n’étonnera pas les esprits sérieux si l’on avance que ces seuls mots résument un des plus efficaces services à rendre, non-seulement à la science et à l’enseignement, mais peut-être à l’esprit public lui-même. Les idées générales, dont l’usage continuel est si familier à l’esprit français, demandent à être renouvelées sans cesse par un sérieux labeur intellectuel ; sinon, les formules éloquentes et fécondes qu’elles revêtent, et qu’une propagande active porte au loin lorsqu’elles s’élèvent et se soutiennent par leur propre essor, font place aux formules inertes de la creuse rhétorique. Leur essence, en passant dans le courant des opinions communes, s’y mêle et disparaît ; il est nécessaire de les nourrir, pour ainsi parler, d’observations et de connaissances nouvelles qui ne peuvent résulter que du raisonnement analytique et critique, seul aiguillon des esprits, seul instrument du progrès intellectuel et même moral. La patiente et dévouée poursuite du vrai, l’honneur de l’effort obstiné et sincère vers ce but élevé, la saine appréciation des choses après une longue étude et une observation exacte, la ferme conclusion à distance égale d’une témérité étourdie et d’une hésitation trop timide, ce sont là des règles pour la conduite des esprits à la fois peut-être dans le travail scientifique, dans la direction des grandes affaires et dans celle de la vie. Quiconque contribue à fortifier par sa propre pratique, par son exemple, par les bons résultats de ses travaux, cette vraie et unique méthode, peut croire qu’en dehors de son propre profit il a sa part dans l’éducation contemporaine, dans l’enseignement national. Nos écoles savantes d’Athènes et de Rome ont assurément leur rôle marqué dans cette action : c’est de quoi doubler pour elles la valeur des efforts accomplis, pour peu qu’ils aient observé la bonne voie.


A. GEFFROY.