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assez naturel, à centraliser le plus possible les affaires à Paris, de façon que tout ce qui intéresse l’Algérie leur passe par les mains et qu’ils jouent le rôle de grands dispensateurs. »

Ce qui importe encore plus pour l’avenir de notre colonie que l’opinion théorique de M. Tirman à propos des rattachemens, c’est le développement qu’en 1882 il se proposait de donner à la colonisation, dont l’essor (ainsi qu’il a bien voulu le reconnaître lui-même) avait été momentanément arrêté. Ses vues à ce sujet ne diffèrent pas essentiellement de celles de ses prédécesseurs. Comme eux, il signale l’insuffisance des terres appartenant à l’état et susceptibles d’être utilement attribuées à de nouveaux concessionnaires ; cependant, au lieu d’assertions assez vagues dont on n’était pas sorti, il apporte cette fois, conformément au vœu exprimé dans la dernière séance du conseil supérieur de 1881, des chiffres précis constatant, suivant lui, le véritable état des choses. Ces chiffres sont relatés dans deux documens officiels, d’origine, je crois, différente, mais qui ont paru presque en même temps. L’un est la Statistique générale de l’Algérie, années 1879 à 1881 ; l’autre l’Exposé de la situation générale de l’Algérie, présenté par M. Tirman lui-même à l’ouverture de la session 1882. La véracité de ces tableaux, qui indiquent le nombre, la contenance et la valeur des propriétés immobilières appartenant à l’état en Algérie, ne peut donner lieu à aucune contestation. Voici ce qu’on y trouve : « En 1881, les immeubles consignés sur les sommiers de consistance des biens du domaine se répartissaient ainsi qu’il suit : immeubles non affectés à des services publics, 10,431 parcelles d’une superficie totale de 865,635 hectares, d’une valeur présumée de 41,815,774 francs[1]. Ce qui peut donner lieu à quelques doutes, ce sont les inductions qu’en veut tirer M. Tirman. Assurément, une notable partie des 865,635 hectares appartenant à l’état n’est point utilisable pour la colonisation, le bon sens le dit, et les personnes qui connaissent l’Algérie sont prêtes à en convenir avec lui. Mais comment est-il arrivé à établir que les portions susceptibles d’un emploi réellement efficace soit par voie d’affectation directe, soit pour des échanges avec les indigènes, ne dépassent point le chiffre rond de 300,000 hectares (je me défie toujours des chiffres ronds), alors qu’en 1878 le général Chanzy estimait que, dans la seule province de Constantine, on pouvait disposer de 448,558 hectares ? Il valait la peine d’entrer dans quelques détails et de produire, à ce sujet, des chiffres positifs. Ce qui cesse absolument d’être compréhensible,

  1. Statistique générale de l’Algérie de 1879 à 1881, Imprimerie nationale, p. 162 ; et Exposé de la situation générale de l’Algérie en novembre 1881, p. 114.