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l’on excepte le rameau hyperboréen, représenté par les Esquimaux. Agassiz, Morton, F. Muller et bien d’auires font ressortir ce lien général de toutes les tribus américaines qui répondent à la race rouge ou cuivrée, une en dépit de ses innombrables variétés. M. Simonin a résumé très nettement l’impression qui se dégage de cette unité, en disant : « L’homme américain est un produit du sol américain. »

La difficulté vient de ce que les monogénistes, ayant en vue un seul berceau et un point de départ unique de tout le genre humain et ne plaçant en Amérique ni ce berceau ni ce point de départ, sont forcément conduits à coloniser le nouveau monde à l’aide d’immigrations asiatiques ou européennes, toujours dirigées dans le sens des parallèles. Cette direction présumée trouve immédiatement un obstacle dans les océans interposés, d’autant plus larges, comme nous l’avons remarqué, que l’on redescend davantage vers le sud. Au contraire, l’obstacle disparaîtrait si l’on pouvait consentir à négliger ces immigrations « latérales, » pour ne tenir compte que de la seule extension réalisée dans le sens des méridiens, du nord au sud, des plages boréales jusqu’à l’extrémité australe des trois masses continentales dont nous avons reconnu l’existence. En effet, aucune barrière ne s’oppose, et ne s’est probablement jamais opposée, dans le passé, à la marche des hommes allant du nord au sud, et l’uniformité relative des Américains, d’un bout à l’autre du continent habité par eux, n’aurait jamais excité l’étonnement si l’on n’avait pas dû se préoccuper de leur introduction à un moment donné au sein d’une région que l’on se figurait n’avoir reçu la visite de l’homme que longtemps après l’extension de celui-ci à l’intérieur de l’Asie.

La première remarque à faire, — remarque qui vient à l’appui de cette facilité de l’homme à franchir autrefois les distances, pourvu que la terre n’ait pas manqué sous ses pieds, — c’est que la pointe extrême des trois continens principaux, dans la direction australe, se trouve partout occupée par des races, venues sans doute originairement d’ailleurs et rangées, dans la Terre de Feu, au Cap et dans la Tasmanie, au nombre des plus inférieures de toutes, sans en excepter aucune. Ces races, s’avançant les premières, auront précédé les autres ; elles ont gardé l’empreinte visible de l’infériorité relative de la souche dont elles se sont prématurément détachées. Il faut croire, en effet, que ces trois rameaux, Fuégiens, Boschimans, Tasmaniens, si peu élevés par leurs caractères physiques, intellectuels et moraux, ne sont allés s’implanter si loin que parce que l’espace s’ouvrait inoccupé devant eux. Éclaireurs du reste de l’humanité, ils ont gagné de proche en proche les dernières limites de la terre habitable. Ils ont dû remplir, à un moment donné, une