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LA
REVOLTE DE L'HOMME

Il n’y a pas d’exagération à dire que la question des droits des femmes est aussi vieille que le monde, puisqu’elle existait avant notre mère Eve. D’après une ancienne légende rabbinique, Adam eut une première femme nommée Lilith, que Dieu avait faite indocile. Adam l’aborda en déclarant qu’il entendait être le maître. Lilith répliqua qu’elle avait autant de droits que lui à commander. Il insista, elle tint bon, et la première conversation que la terre entendit fut une querelle. Le débat se termina par la fuite de Lilith. Dieu envoya des anges pour la ramener ; elle refusa obstinément. On prit le parti de la marier à un démon et de créer Eve pour Adam. Après cette première explosion, la question sommeilla jusqu’à nos jours. Les protestations isolées qui n’ont manqué à aucune époque ne parvenaient pas à la réveiller. La suprématie de l’homme, proclamée ou, si l’on aime mieux, — je ne voudrais choquer personne, — inventée par Adam, avait été bel et bien acceptée par la femme.

Il était réservé aux Lilith du XIXe siècle de reprendre la discussion entamée dès le paradis terrestre. Elles possédaient sur leur aînée l’avantage d’avoir des cas d’injustice à faire valoir. L’homme, de son côté, n’osait plus user de la brusquerie discourtoise d’Adam. Au lieu d’ordonner, il argumentait. Il s’efforçait de démontrer par des preuves tirées de la physiologie, de l’histoire et de la littérature que le sentiment populaire a raison, et qu’un homme et une femme, ce n’est pas la