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réserve tantôt du plomb, tantôt du cuivre et de l’étain. Ce fait, dénoncé par MM. Lutaud, Boutmy, Lebaigue, a désagréablement surpris la population. Le siphon d’eau de Seltz est très estimé dans les promenades du dimanche et les déjeuners sur l’herbe aux environs de Paris. C’est le Champagne d’une foule de gens qui n’ont connu la veuve Cliquot que de nom.

Mais poursuivons le cours lamentable des mésaventures d’un Parisien livré aux falsificateurs. Il a l’estomac délabré ; les eaux minérales ne lui rendent pas l’appétit ; le docteur lui ordonne la pepsine et les peptones. La pepsine est un ferment dissous dans le suc gastrique. Quand un animal éprouve de l’appétit et se dispose à manger, les glandes disposées à la paroi interne de l’estomac laissent couler le suc gastrique et la pepsine. L’effet de ce ferment sera de dissoudre les alimens solides que l’animal va absorber. La médecine emprunte de la pepsine à l’estomac des moutons et même des chiens pour subvenir aux besoins des personnes qui en semblent mal pourvues. Il paraît que, dans la république argentine, on a essayé la pepsine d’autruche, espérant sans doute qu’elle aurait le pouvoir de digérer même les cailloux. Quant aux peptones, ce sont des alimens albuminoïdes traités par la pepsine, alimens déjà digérés, au moyen desquels les médecins essaient de nourrir, sans les fatiguer, les personnes débiles. Mais trop souvent l’intérêt commercial a raison des bonnes intentions des médecins. La pepsine est additionnée de sucre de lait. Et dans les peptones on introduit de la gélatine, du glucose, de la glycérine, — et enfin, pour éviter la corruption de ce désagréable. mélange, de l’acide salicylique. L’acide salicylique évite l’invasion des fermens de la pourriture ; c’est un antiseptique puissant ; mais c’est le pire ennemi de l’estomac, auquel il cause des crises redoutables. Et on le fait absorber à des estomacs affaiblis qui ne peuvent plus rien digérer !

Nous arrivons aux remèdes proprement dits. Les remèdes aussi sont fréquemment trompeurs, et l’industrie des falsifications ne respecte pas même les malades. Vous a-t-on ordonné le bismuth ? Prenez-y garde. Il n’est pas facile de trouver ce médicament pur de tout alliage. Dans la nature, il est souvent accompagné du soufre, de l’arsenic, du plomb ou de l’antimoine. Dans le commerce, on ne cherche pas toujours à le débarrasser de cette compagnie malsaine. Évidemment il ne faut pas craindre de sophistications dans le bismuth que vendent les pharmaciens ; ils ont soin d’épurer ce qu’ils reçoivent des marchands de produits chimiques en gros. Mais il ne faut pas se flatter non plus d’absorber toujours absolument pur le remède prescrit par le médecin.

Enfin la fièvre se déclare, et le médecin ordonne le sulfate de