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MM. les commerçans voulussent bien prévenir leur clientèle et réserver les petits pois au cuivre aux amateurs de ce métal. Mais il est, sans distinction, livré à tous.

Il serait trop long de poursuivre exactement tous les plats de ce menu, et je suis obligé de dire, comme Ruy Gomez de Silva :


J’en passe, et des meilleurs…


Arrivons au dessert. On ne manquera pas de servir du chocolat sous une forme quelconque. Il y a bien des chocolats, tous meilleurs les uns que les autres. Cette grande diversité a lieu d’inquiéter ; on n’imagine pas en effet tant de manières différentes de mêler le sucre et la farine de cacao. Ouvrez le Dictionnaire de M. Baudrimont et parcourez la liste des ingrédiens qui entrent dans une tablette de chocolat. Voici les farines de blé, de riz, de lentilles, de pois, de haricots. Ce n’est rien. Voici l’huile d’olive ou d’amandes douces, des amandes ou des noisettes grillées : ce n’est rien encore. Mais voici enfin la sciure de bois, le cinabre, l’oxyde rouge de mercure, le minium, le carbonate de chaux, les terres rouges ocreuses. Et l’auteur découragé ajoute : et cœtera.

L’art de faire des confitures est en progrès. Il y a quelques années, on fabriquait la gelée de groseilles avec de la gélatine colorée par le suc de betteraves rouges et aromatisée par quelques gouttes de sirop. Aujourd’hui on emploie une algue des mers du Japon, appelée gelidium corneum. Cette algue contient une sorte de moelle, la gélose, qui a la propriété de se gonfler énormément dans l’eau. Avec un peu de jus de betteraves ou même un peu de carmin, du glucose, pour sucrer, et une cuillerée de sirop, pour faire illusion, on prépare une gelée de groseilles plus appétissante que celle qui est faite avec des groseilles. Il y a bien d’autres progrès. Certaines personnes font venir d’Angleterre des marmelades d’oranges. Les fabricans anglais ont réussi à donner le goût et l’aspect d’orange à des marmelades de navets.

« Sous le nom de bonbons, dit le savant auteur du Dictionnaire, on connaît les sucreries et pastillages que fabriquent les confiseurs, et dont beaucoup de personnes, principalement les femmes et les enfans, font une grande consommation. » Voilà une excellente définition, mais on ne sait pas assez tout ce qui se cache sous le nom trompeur de bonbons. Une ordonnance de police de 1841 nous l’apprend, tout en édictant des défenses probablement peu respectées. Pour colorer les bonbons on employait : le jaune de chrome, le minium, le massicot, la litharge, qui sont des sels de plomb ; le vermillon (sulfure rouge de mercure), le vert de Scheele (arsénite