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non étamé, et il s’est fait de l’acétate de ce métal ; c’est ce qu’on appelle le verdet.

Si l’on sert un poisson, il peut paraître dans un heureux état de conservation, et n’être pas, cependant, très recommandable. Dans les amphithéâtres les anatomistes préviennent la corruption des cadavres en leur injectant un mélange de chlorure de zinc et d’acétate d’alumine. Or très souvent les saumons et les turbots que nous admirons ont été traités comme des pièces d’anatomie. La sauce fera passer le poisson. Dieu sait pourtant ce qui a passé dans la sauce ! Il a fallu du beurre. Le beurre ne se fait plus guère aujourd’hui avec de la crème et au moyen d’une baratte. Les différens genres de margarine ont supplanté ce produit démodé. Quand par hasard on a fabriqué du beurre par les vieux procédés, on met la chimie à contribution pour lui donner du poids, du volume, de la couleur. D’abord la chimie minérale : la craie, l’argile, le gypse, le silicate de potasse, le sulfate de baryte, servent à maintenir dans le corps gras plus d’eau qu’il n’en absorberait à lui seul. Puis on a recours à des substances organiques : la farine de blé, l’amidon, la pulpe cuite de pommes de terre, la fécule, le fromage blanc. Il faut bien aussi ajouter au beurre des corps gras : le suif de veau, le saindoux, la moelle de bœuf, la graisse d’oie. Il paraît qu’une société vendait à Paris le beurre des Alpes. Le nom était engageant. Le produit se composait de 50 parties de beurre de Bavière, 25 d’axonge et 25 de graisse de bœuf ; on faisait fondre le tout et on colorait pendant la fusion. La coloration est une toilette nécessaire du beurre qu’on vend aux Parisiens : quelquefois on les a empoisonnés avec du chromate de plomb ; le plus souvent on emploie une pâte tinctoriale faite de curcuma de rocou et d’une laque verte à base de graine d’Avignon. Et voilà du beurre !

Dans le rôti apparaîtront quelques truffes. Je lis à l’article qui concerne ce tubercule : « On a fabriqué des truffes avec des pommes de terre avariées, pelées et découpées à l’emporte-pièce, qu’on colorait en brun et qu’on roulait dans de la terre truffière venue du Périgord. On a mis en vente des truffes qui étaient composées uniquement de terre roulée et modelée en forme de tubercules, ou de lycoperdons (vesses-de-loup) recouverts d’une couche de terre et simulant des truffes bonnes et marchandes. » Si maintenant la salade vous agace les gencives et rend l’émail des dents rugueux, ne vous étonnez pas, le vinaigre a été étendu d’eau, et on lui a rendu son acidité avec un peu de vitriol. Défiez-vous aussi du vert des épinards et des petits pois. Là encore reparaît le cuivre comestible sous forme d’acétate ou verdet. Ce verdet fait le bonheur des yeux. M. Galippe prétend qu’il ne nuit pas à la santé. Il serait bon toutefois que