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prévenu d’émigration ; 2° on lui reprochait, en outre, sa conduite politique pendant la révolution, certaines relations intimes, les persécutions qu’il avait fait éprouver à tous les républicains de sa commune, à ceux même qui, dans d’autres temps, l’avaient garanti de celles dirigées contre lui ; enfin les propos les plus contre-révolutionnaires : qu’on avait beau vouloir empêcher la contre-révolution, qu’elle se ferait par le massacre de tous les patriotes. À ces dénonciations se joignait la fuite précipitée de cet individu après le 18 fructidor. En effet, dès le lendemain de cette journée, il avait quitté Paris à la faveur d’un passeport suranné, et, à force de sollicitations, il était parvenu à se placer, en qualité de secrétaire, auprès du général Damas à l’armée de Mayence.

« Aussitôt son arrestation, le sieur Précy, représentant du peuple au conseil des cinq cents, a réclamé la mise en liberté du citoyen Beaumont. Il déclare le connaître depuis plusieurs années. Il atteste que les opinions qu’il a manifestées lui ont toujours paru en faveur de la république. Il joint au mémoire justificatif de son ami des certificats de civisme, délivrés au citoyen Beaumont par les officiers municipaux de la commune de Puyguilem, département de la Dordogne et en l’an II.

« Pour prononcer en connaissance de cause, vous avez fait prendre des informations.

« Il en résulte que l’émigration du citoyen Beaumont n’est pas constante ; son nom ne se trouve pas sur la liste des émigrés. Il paraît bien que sa conduite pendant la révolution n’est pas exempte de reproches. Il a exagéré le patriotisme dans les premiers jours de la révolution et il est devenu dans la réaction un des persécuteurs des républicains. Cependant, comme ces faits ne peuvent donner lieu à aucune action devant les tribunaux, sa détention à cet égard ne peut être prolongée. On propose, en conséquence, au ministre sa mise en liberté, en l’obligeant toutefois de prendre un passeport pour se rendre dans la commune de sa résidence. »

« P. S. — Depuis le rapport, il a été remis sous les yeux du ministre un arrêté du comité de législation de la convention, qui prononce la radiation définitive dudit Beaumont. »

Il ne faudrait pas confondre le comte de Précy, défenseur de Lyon contre Dubois-Crancé, Collot-d’Herbois et Couthon, le chef des comités royalistes, avec le citoyen Précy. Celui-ci avait été député de l’Yonne à la convention nationale, et non-seulement il ne fut pas inactif dans l’arrestation de la famille Montmorin au château de Passy, près de Sens, mais il avait de loin dirigé les poursuites. Une haine commune avait réuni le gendre de la victime des assassins de septembre et le conventionnel. Dans une lettre d 3 nivôse an VI, adressée au citoyen Cochon de Lapparent, ministre