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château de la Barge en Auvergne, le 13 octobre 1746 ; son grand-père Joseph-Gaspard avait eu trois fils et six filles. Étant devenu veuf, il avait embrassé l’état ecclésiastique et avait obtenu l’évêché d’Aire. C’est de lui que parle Voltaire dans le Dictionnaire philosophique. Il présentait ses enfans à son clergé ; on se mit à rire : « Messieurs, dit-il, la différence entre nous, c’est que j’avoue les miens. » Le premier de ses fils avait été lieutenant-général, le second évêque de Langres, le troisième, surnommé le chevalier de Saint-Hérem, cornette dans la seconde compagnie de mousquetaires, allié au garde des sceaux Voyer d’Argenson, avait recueilli titres et fortune. Menin du dauphin, père de Louis XVI, il avait laissé trois enfans, deux filles qui entrèrent à l’abbaye de Fontevrault, où leur tante était abbesse, et notre Armand-Marc, comte de Montmorin, seigneur de Seymiers et de Coppel.

Comme les enfans de la haute noblesse, il fut élevé par le clergé et surtout par le monde.

Ce que l’on demandait aux jeunes gens de l’aristocratie française, c’était, avec les exercices du corps, les qualités que les salons seuls pouvaient donner, la connaissance de la vie, les belles manières, plus de tact que de science, plus de discernement que de fortes études. La noblesse vivait alors plus ou moins rapprochée des gens de lettres, qui la mettaient au courant de ce qui s’imprimait. Elle restait ainsi familière avec les bons livres ; elle en savait assez pour y faire allusion, et le langage choisi qu’elle entendait conduisait au goût. A moins d’être destiné à la magistrature ou à l’église, l’instruction allait tout au plus jusqu’à la rhétorique. Armand fut plus instruit ; comme son père l’avait été du premier dauphin, il fut le menin du second. Il fut donc élevé avec le prince qui devait être Louis XVI. La Correspondance entre Marie Thérèse et le comte de Mercy-Argenteau, à la date du 16 novembre 1770, renferme une anecdote assez curieuse : « Le 27, la journée étant pluvieuse et fort mauvaise, M. le dauphin passa près de trois heures de l’après-dîner avec Mme la dauphine. Il lui confia beaucoup de détails sur les gens de son service ; il lui dit qu’il croyait bien connaître ceux qui l’entouraient ; que le duc de Saint-Mégrin et le comte de Montmorin avaient le projet de le gouverner et de devenir les maîtres. Le dauphin ajoutait : que les comtes de Beaumont et de La Roche-Aymon étaient des gens nuls et très bornés. » De ces jours de service à la cour datent certainement les projets de cette fatale union entre les enfans de deux amis.

Le comte de Montmorin s’était marié en 1767. Il avait épousé sa cousine, Françoise-Gabrielle de Tanes, fille du marquis de Tanes, et de Louise Alexandrine de Montmorin. La famille de Tanes, originaire du Piémont, s’était établie en Auvergne, à la fin du XVIIe siècle,