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le 4 février à Washington, où l’anxiété était à son comble. Les dépêches rédigées par Livingston contenaient un récit détaillé des événemens et mettaient habilement en lumière l’immense service que Jackson venait de rendre au pays. La foule se précipita à la Maison-Blanche pour y recevoir la confirmation d’un bruit auquel on osait à peine ajouter foi. La ville fut illuminée ; le nom du vainqueur fut bientôt dans toutes les bouches ; on l’acclamait comme le sauveur de l’indépendance nationale. Le congrès se fit l’interprète de la reconnaissance publique en votant des remercîmens au major-général Jackson et, par son intermédiaire, aux officiers et soldats de l’armée régulière des corps de volontaires et de la milice placés sous ses ordres et en ordonnant qu’une médaille d’or, frappée en son honneur pour symboliser ce glorieux fait d’armes, lui serait offerte comme un témoignage de la haute estime du congrès pour sa judicieuse et belle conduite dans cette mémorable occasion. »

Une nouvelle plus importante encore ne tarda pas à suivre celle de la défaite de l’armée anglaise. Le gouvernement fédéral apprit le 13 février la conclusion du traité signé à Gand le 24 décembre précédent. La guerre qui avait un moment mis en question l’existence même des États-Unis était terminée, mais c’était grâce à la victoire de la Nouvelle-Orléans que l’honneur national sortait intact de cette crise. Un courrier partit de Washington, le 13 février, pour porter à la capitale de la Louisiane la nouvelle officielle de la signature du traité. Le bruit s’en était déjà répandu et avait donné lieu à l’un des incidens les plus caractéristiques de la vie de Jackson.

Edward Livingston, qui avait été chargé de se rendre à la flotte anglaise pour négocier un échange de prisonniers, en était revenu te 15 février, annonçant, d’après un journal que venait de recevoir l’amiral Malcolm, la conclusion de la paix. Jackson en fit part à ses troupes ; mais en leur faisant connaître l’origine de cette information, il crut prudent de leur recommander la patience et de les mettre en garde contre le danger des fausses nouvelles. Cet ordre du jour provoqua des murmures dans la population, et la législature profita de cette disposition des esprits pour manifester son mauvais vouloir ordinaire en s’abstenant de mentionner le nom du général en chef dans les remercîmens qu’elle adressait aux principaux officiers. Les troupes elles-mêmes avaient peine à se résigner à l’attente d’une confirmation officielle et aspiraient à leur libération, qui devait être la conséquence de la paix. Quelques soldats d’origine française imaginèrent, pour hâter le moment de cette libération, de s’adresser au consul de France et de se faire délivrer des certificats de nationalité française. Ce subterfuge exaspéra Jackson, qui ordonna,