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sont aujourd’hui vos ennemis… Espagnols ! souvenez-vous de la conduite de vos alliés à Saint-Sébastien et dernièrement à Pensacola, et réjouissez-vous d’avoir une occasion de venger les brutales injures que vous ont infligées des hommes qui déshonorent la race humaine… »

II s’adressait spécialement aux hommes de couleur que, par une première proclamation datée de Mobile, il avait appelés sous les drapeaux :

« Je vous ai appelée, disait-il, à partager les périls et la gloire des blancs vos concitoyens. J’attendais beaucoup de vous ; car je connaissais les qualités qui doivent vous rendre si redoutables à l’ennemi qui vous envahit. Je savais que vous étiez capables de supporter la faim, la soif, et toutes les fatigues, de la guerre. Je savais que vous aimiez votre terre natale et que, comme nous-mêmes, vous aviez à défendre ce que l’homme a de plus cher. Mais vous surpassez mes espérances. J’ai trouvé en vous un à ces qualités le noble enthousiasme qui enfante les grandes actions.

« Soldats ! le président des États-Unis sera informé de votre conduite dans l’occasion présente et la voix des représentans de la nation applaudira à votre valeur comme votre général applaudit aujourd’hui à votre ardeur.

« L’ennemi est proche. Ses voiles couvrent les lacs : mais les braves sont réunis ; et s’il existe entre nous des rivalités, ce sera pour mériter le prix du courage et la gloire qui en est la plus noble récompense ! »

Pendant ce temps, les troupes anglaises avaient péniblement achevé leur débarquement sur un sol marécageux et sous une pluie glaciale[1]. Le 22 décembre, Jackson fut informé qu’une avant-garde de seize cents hommes commandés par le général Keene était à deux heures de marche de la ville. Il se porta au-devant d’elle à la tête de deux mille hommes résolus, et après une lutte acharnée qui se prolongea jusqu’au milieu de la nuit, il refoula l’ennemi dans les bois qui avoisinaient la ville. Dès le lendemain matin, il prit position sur une sorte d’îlot, situé entre le fleuve et les marais, et fit établir une ligne de retranchemens qui s’étendait sur une longueur d’un mile environ. L’extrême humidité du sol, ne permettait pas d’élever des remparts de terre ; Jackson fit apporter, pour en tenir lieu, des balles de coton à l’abri desquelles il plaça

  1. Un des documens les plus intéressans à consulter sur le siège de la Nouvelle-Orléans est le récit très sincère et très complet qu’en a fait un des officiers de l’armée anglaise. The Campaign of the British army of Washington and New-Orleans in the year 1814-15, by a subaltern. London, J. Murray, 1827.