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laquelle il avait lutté contre l’esprit de révolte, à ses qualités d’organisateur, à l’ascendant qu’il avait conquis sur ses troupes, à la patriotique ardeur avec laquelle il avait combattu et vaincu les hésitations du gouverneur du Tennessee. Le général Pinckney n’hésita pas à le reconnaître dans une dépêche adressée le 6 février au secrétaire de la guerre : « Je prends la liberté, écrivait-il, d’appeler votre attention sur les communications que vous allez recevoir et sur celles que vous avez précédemment reçues du général Jackson. Sans l’énergie personnelle, la popularité et les efforts de cet officier-général, la guerre contre les Indiens du Tennessee aurait été abandonnée au moins momentanément. »

Le moment était venu de commencer la campagne. Mais, avant de donner le signal du départ, Jackson crut nécessaire de prévenir, par un exemple d’une impitoyable rigueur, le retour de l’esprit d’indiscipline dont il venait de constater les funestes conséquences. Un jeune soldat de dix-huit ans qui avait abandonné son poste et insulté son chef fut passé par les armes devant les troupes assemblées. Ce n’est pas le seul fait du même genre que nous rencontrerons dans la carrière militaire de Jackson. Le 22 février 1815, en vertu d’un ordre signé par lui au lendemain de la victoire de la Nouvelle-Orléans, six hommes de la milice, dont l’un était père de neuf enfans, furent fusillés à Mobile en présence de quinze cents hommes de la garnison sous les armes. Ils avaient été condamnés pour une révolte au fort Jackson en septembre 1814. Appelés pour six mois sous les drapeaux, ils avaient refusé de servir au-delà du terme ordinaire de trois mois, prétendant, peut-être avec raison, qu’ils ne pouvaient être tenus légalement à une plus longue durée de service. Le souvenir de l’indiscipline de la milice au fort Strother et le ressentiment qu’en avait conservé Jackson l’avaient rendu inaccessible à la pitié, et il ordonna cette exécution, qui lui fut souvent reprochée comme un acte de barbarie dans le cours de sa vie publique.

L’armée de Jackson rencontra l’ennemi à 55 milles du fort, sur les bords de la Tallapoosa et de la Goosa, qui se réunissent pour former l’Alabama supérieur. Neuf cents guerriers creeks y étaient enfermés avec leurs femmes et leurs enfans dans une sorte de camp retranché établi à la hâte. Le général fit cerner la position, coupa la retraite aux Indiens et les força dans leurs retranchemens, Le combat, commencé à dix heures du matin, se prolongea jusqu’à la nuit ; ce fut une lutte acharnée et meurtrière : les Américains eurent cinquante-cinq morts et cent quarante-six blessés ; plus de cinq cents Indiens trouvèrent la mort sur le champ de bataille ; les autres périrent dans la rivière en cherchant à s’échapper.

Le seul point où les tribus indiennes eussent conservé une