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500 milles de leur pays, et il était indispensable de les rapatrier, Jackson n’hésita pas un seul instant, quoiqu’il n’eût à sa disposition ni argent, ni vivres, ni moyens de transport. En même temps qu’il adressait une protestation véhémente et indignée au président des États-Unis, au secrétaire de la guerre, au gouverneur du Tennessee et au général Wilkinson, il s’engagea personnellement envers les négocians de Natchez et obtint d’eux, à crédit et sur sa garantie, les livraisons nécessaires.

La retraite s’opéra dans des conditions difficiles et au milieu d’embarras de toute nature. Au moment où les troupes quittèrent Natchez, elles comptaient cent cinquante malades, pour le transport desquels on ne pouvait disposer que de dix voitures. Les officiers mirent leurs chevaux à la disposition des malades : Jackson fit toute la route à pied, soutenant par sa verve et son entrain le moral de ses soldats. Ce fut pendant ces longues marches qu’il reçut d’eux le surnom de old hickory[1], sous lequel il est resté populaire. Le 22 mai, les volontaires arrivés au terme de la route étaient réunis sur la place publique de Nashville et s’apprêtaient à se séparer. Au moment où ils allaient rompre les rangs, les dames du Tennessee leur offrirent, en mémoire de cette première campagne, un drapeau de salin richement brodé qui portait ces mots :

« Volontaires du Tennessee, l’indépendance dans un état de guerre ne peut être maintenue que sur le champ de bataille de la république. Le camp est un poste d’honneur. — Offert par les dames du Tennessee oriental. — Knoxville, 16 février 1813. »

Les volontaires avaient regagné leurs foyers et Jackson avait trouvé la récompense de ses énergiques efforts dans la reconnaissance de ses concitoyens et dans la popularité qui s’attachait à son nom. Mais il restait sous le coup des lourds engagemens qu’il avait contractés avant de quitter Natchez. Ses traites sur le quartier-maître général du département du Sud étaient restées impayées et le gouvernement des États-Unis n’avait pas envoyé, malgré des demandes répétées, les fonds nécessaires au remboursement des dépenses effectuées dans l’intérêt des troupes. Jackson chargea le colonel Benton de porter à Washington ses pressantes et légitimes réclamations. Le jeune officier s’acquitta de sa mission avec autant de zèle que d’intelligence et obtint, après d’activés démarches, une complète satisfaction.

Au moment où il revenait à Nashville, après avoir si efficacement servi les intérêts de son chef, il apprit avec un douloureux

  1. Hickory, espèce de noyer ou bois de fer particulier à l’Amérique. On peut traduire par le vieux bois de fer le surnom légendaire du général Jackson.