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une escorte qui devait la conduire par une, route récemment ouverte à la future capitale de l’état, Nashville. Elle, arriva dans cette dernière ville à la fin d’octobre 1788 au moment où venait d’être ratifiée la constitution des États-Unis et où allaient être nommés les électeurs chargés de procéder à la première élection présidentielle.

Le pays qu’allait habiter Jackson était une riante et riche contrée dominée par des collines boisées et traversée par le cours sinueux d’un des affluens de l’Ohio, le Cumberland. La vallée du Cumberland était alors l’un des avant-postes de la civilisation : les Indiens y faisaient de fréquentes incursions et y menaçaient sans cesse la sécurité de la population émigrante encore peu nombreuse ; les émigrans eux-mêmes semblaient avoir, au milieu des dangers de cette aventureuse existence, contracté les mœurs violentes de la vie sauvage : les querelles, les attaques à main armée, les disputes pour la possession du sol étaient incessantes et rendaient fort laborieuse la tâche des tribunaux improvisés à la hâte dans chacune des agglomérations de log~houses qu’on décorait du nom de villes.

Jackson, qui cumulait, suivant la coutume anglo-saxonne, les fonctions d’accusateur public et celles d’avocat, se créa rapidement une clientèle assez nombreuse. À son arrivée, le Tennessee occidental ne possédait qu’un avocat qui était le défenseur attitré des débiteurs insolvables ou récalcitrans. Le nouveau-venu se fit l’avocat des créanciers, et il dirigea les poursuites dont il était chargé avec une âpreté et une vigueur qui lui valurent de véritables succès.

Les avocats exerçaient d’ordinaire dans toutes les cours de justice du territoire. Ce rôle actif d’avocat-pionnier, comme l’a fort heureusement nommé M. Parton, convenait singulièrement à Jackson. Il parcourait sans cesse de l’est à l’ouest les montagnes et les régions désertes du Tennessee. Tantôt il faisait route avec une caravane d’hommes de loi et de cliens qui se rendaient aux sessions de quelque cour éloignée ; tantôt il profitait de l’escorte qui accompagnait une troupe d’émigrans ; tantôt enfin il voyageait seul, le rifle au poing, campant dans les bois, couchant enveloppé dans son manteau au pied d’un arbre, évitant d’allumer du feu, quelle que fût la rigueur de la saison, dans la crainte d’attirer l’attention des Indiens qui parcouraient le pays. Peu à peu cependant l’accroissement du nombre des émigrans et le succès de quelques expéditions dirigées contre les tribus indiennes eurent pour effet de refouler ces dernières vers le désert. Les communications devinrent plus libres, la sécurité commença à régner dans la vallée du Cumberland, et la prospérité de cette riche contrée prit un rapide essor.

La fortune de Jackson suivit celle du pays. Le numéraire était rare dans ces lointaines régions et les objets d’utilité commune y