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quatre ans plus tard, il voyait les troupes anglaises envahir le pays qu’habitait sa famille et saccager le modeste, logis, de sa mère. Mme Jackson fut forcée de s’enfuir précipitamment avec son beau-frère et ses enfans pour chercher un asile à quelques milles de là. À cette époque, son fils aîné Hugues, qui s’était engagé et qui avait pris part aux premiers combats de. l’indépendance, venait de mourir des suites de ses fatigues. André, qui avait à peine quatorze ans, et son frère Robert, un peu plus âgé que lui, se joignirent à des bandes de partisans qui tenaient la campagne contre les troupes anglaises. Ils furent rencontrés et pris par une colonne de dragons, un officier brutal ordonna à André de nettoyer ses bottes : l’enfant refusa fièrement et demanda à être traité en prisonnier de guerre. Sa réponse lui valut un coup de sabre, dont il porta toute sa vie la cicatrice. « Je suis sûr qu’il s’en sera souvenu à la Nouvelle-Orléans, » disait un de ses parens à son historien M. Parton. Son frère eut à subir les mêmes violences : tous deux furent emmenés à 40 milles du lieu où ils avaient été trouvés, dans la ville de Camden, où étaient réunis de nombreux prisonniers. On les jeta dans un obscur et étroit cachot, sans lits, sans secours médicaux, sans autre nourriture qu’une ration de pain insuffisante. La petite vérole sévissait au milieu de cette agglomération, et les deux frères ne tardèrent pas à éprouver les effets de la contagion. Ils étaient à peine hors de danger lorsque leur mère, qui les avait rejoints, parvint, à force de démarches, à les faire comprendre dans un échange de prisonniers. La courageuse femme ramena ses deux fils épuisés par les fatigues et la maladie, couverts de vêtemens en lambeaux et montés sur deux chevaux qu’ils avaient à peine la force de conduire. Ils furent surpris au milieu de La route par une pluie torrentielle et glaciale. Deux jours après, Robert était mort ; André avait le délire et une fièvre ardente ; mais la vigueur de sa constitution et les soins de sa mère le sauvèrent.

Il venait d’entrer en convalescence lorsque Mrs Jackson fut appelée à Charleston par des parens prisonniers sur les pontons qui réclamaient sa présence et ses soins. Elle quitta le chevet de son enfant malade pour ne plus le revoir. Les épreuves qu’elle avait supportées d’un cœur si ferme avaient surpassé ses forces ; en revenant de Charleston, elle fut obligée de s’arrêter chez un de ses cousins et elle y mourut avant que la nouvelle de sa maladie fût parvenue à son fils.

André Jackson avait alors quinze ans : il restait orphelin, sans asile et sans ressources. Tous ceux qu’il avait aimés lui avaient été presque en même temps enlevés, et le souvenir de ces premières douleurs devait rester attaché d’une manière ineffaçable, dans son