Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 57.djvu/684

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelqu’une de ses origines. Les travaux de M. Camille Jullian apporteront, comme les précédens, de nouveaux traits au tableau de cette formation. Lui aussi, il s’est servi avec succès des textes épigraphiques et juridiques : il a su acquérir, par un travail résolu et une sévère méthode, les connaissances que ne donne pas assez à l’avance notre éducation classique. En s’occupant de retracer la condition de l’Italie sous l’empire, depuis le partage en régions sous Auguste, il a proposé des conclusions qui paraîtront importantes et neuves sur les célèbres documens de géographie et de statistique attribués à cet empereur et à son ministre Agrippa. Il a recherché comment s’est faite l’assimilation de l’Italie à la condition provinciale. L’Italie a dû subir l’impôt, comme le reste de l’empire. Au lieu d’être gouvernée, comme autrefois, par des magistrats de Rome, elle s’est vu administrer par des délégués du prince. Elle a vu, du démembrement de ces magistratures supérieures désormais dédaignées, naître des curatelles auxquelles elle a été soumise ; elle a perdu son immunité politique. Mais ces changemens n’ont fait que constituer la principale phase de l’évolution administrative et monarchique, au profit du bon ordre et du bien-être général ; ces réformes ont été protectrices bien plutôt qu’oppressives ; elles ont été les assises du ferme édifice social que l’invasion des barbares ne pourra renverser entièrement. — M. Jullian achève en ce moment à Berlin sa mission commencée en Italie. Ses divers mémoires aujourd’hui sous presse, et dont nos Mélanges ont publié des fragmens, paraîtront fort au courant de la science, et d’une critique précise, qui traduit des recherches vraiment personnelles et conduit l’auteur à des résultats nouveaux.

Si l’on aspirait à présenter ici un inventaire complet des travaux de l’École française de Borne sur l’antiquité, il faudrait ajouter ce qui a été fait en philologie, en paléographie grecque et latine, les collations de manuscrits, les études de textes. Ce genre de travaux ne se prête pas à l’analyse, et on en trouve d’ailleurs l’appréciation autorisée dans les rapports publics de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. On peut, sans proclamer, comme Niebuhr, que la philologie soit « la médiatrice de l’éternité, » comprendre le rôle important qui lui appartient dans l’érudition critique, et lui faire la grande part qu’elle mérite dans les préoccupations d’une école telle que celles d’Athènes et de Rome.

Il reste à montrer quelle autre carrière nous ouvrait le moyen âge, et ce que nous y avions tenté.


A. GEFFROY.