Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 57.djvu/674

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grossière faite par quelque soldat : la ressemblance, d’après les médailles, est frappante. Ainsi rendue sans apprêt et sans art, elle est effrayante de réalité. A côté de lui, peut-être l’empereur Claude. D’autres figures encore, peut-être des portraits, restent à étudier dans la petite chambre voûtée de la maison de Tibère, au Palatin, où se trouvent ces profils.

Le sol romain peut instruire l’archéologue par d’autres ruines encore que celles qui intéressent le sculpteur et l’architecte. L’érudition moderne ne méprise plus les vestiges, même rares et informes, de la topographie et de la viabilité. Elle tient grand compte des constructions souterraines, auxquelles un fragment d’inscription, un calcul de distance peut rendre le sens et le nom. Se consacrer à l’étude entière d’une partie du sol italien, le reconnaître par ses ruines, par ses populations actuelles, par ses traditions, par son climat, reconstituer son passé, remettre en leurs places les villes et les peuples, les anciennes routes et leurs stations, les dieux et leurs temples,.. n’est-ce pas ce genre de travail qu’il convient en particulier de voir entreprendre par quelques-uns des membres de l’École française de Rome ?

C’est ce qu’a fait avec énergie et persévérance M. René de La Blanchère. Pendant trois années, il a parcouru la région pontine, entre Velletri et Terracine : les célèbres marais en occupent la plus grande partie. Toute cette vaste contrée, où la tradition place, avant la domination romaine, les Aurunces, les Volsques, les Latins, et peut-être même une conquête étrusque, paraît avoir été abondamment peuplée depuis une époque très reculée jusqu’aux premiers siècles de la république. Nous voyons dans Tite Live qu’elle fournissait beaucoup d’hommes à l’armée romaine ; l’historien latin nous dit qu’une fois maître par la conquête, le vainqueur y détruisit des villes nombreuses. Le climat y était donc plus sain qu’aujourd’hui et le sol plus favorable. Comment ces vivantes régions se sont-elles changées, si tôt avant l’empire, en de mortes solitudes ? Quel intérêt n’y aurait-il pas à y retrouver les traces des anciennes routes, les enceintes des lieux habités ? Quel commentaire on donnerait ainsi aux textes des anciens auteurs ! Bien plus, si, en pénétrant dans les entrailles de cette terre, on en pouvait arracher quelques élémens du secret de sa détérioration séculaire, de quel prix pourraient être de tels travaux archéologiques, et quels services rendraient-ils, non plus seulement en vue de l’histoire, mais pour des intérêts encore plus immédiats et plus pratiques !

Dans un premier séjour, M. de La Blanchère avait étudié le mont Circello avec l’antique Circeii, la via Severiana, le littoral et la vaste région de la dune pontine, aujourd’hui couverte