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maintenant un profitable accueil. Plus d’un artiste de talent, qu’on pourrait nommer, a été par lui soutenu dans les incertitudes et les premiers pas de sa carrière.

Étant venu à Rome pendant l’hiver de 1879 pour revoir son fils, devenu membre de l’École française, M. Engel-Dollfus fut témoin de nos humbles commencemens. Il lui déplut que, malgré nos efforts pour fonder une bibliothèque, nous fussions presque chaque jour forcés de recourir aux collections étrangères. Non-seulement il voulut combler par des présens considérables quelques-unes de nos plus fâcheuses lacunes, mais encore il prit l’initiative de donations en notre faveur, qui atteignirent bientôt un chiffre de 40,000 francs, grâce au concours de MM. Durrieu, Delaville Le Roulx, Steinbach et Eugène Lecomte. M. Lecomte inscrivait son apport au nom de ce respecté Monbinne, qu’il a fait figurer déjà parmi les donateurs à l’Académie de médecine, à l’Académie française et à l’Académie des beaux-arts. L’histoire de Monbinne intéresse donc directement l’Institut de France ; elle est bonne à faire connaître parce qu’elle montre ce qu’il y a d’honneur et d’esprit dans le monde parisien des grandes affaires. Caissier pendant quarante ans d’une importante maison de finance, Menbinne avait exigé, en prenant sa retraite, qu’on acceptât le dépôt d’une somme considérable destinée à répondre des manquemens de sa gestion, s’il s’en découvrait. De telles dispositions de la part de tels caissiers sont naturellement fort inutiles. Les dépositaires de cette somme, Monbinne étant mort sans héritiers, ont voulu en faire un emploi qui honorât sa mémoire : ils l’ont appliquée, en son nom, d’abord à des œuvres de charité délicate, puis à des fondations en faveur des sciences et des arts, les unes et les autres très conformes aux goûts de ce parfait honnête homme. Les savans de nos jours démontrent ingénieusement l’équivalence et la permutation de certaines forces ; cette loi du monde physique se vérifie, comme on voit, dans le monde moral : l’honnêteté professionnelle du caissier Monbinne s’est convertie, sous une influence intelligente en utile protection des œuvres de l’esprit. — La libéralité d’un autre donateur, M. le baron Edmond de Rothschild, nous a aidés à entreprendre, avant d’en avoir les ressources régulières, une de nos publications, les Mélanges, dont nous parlerons plus bas. Les généreuses personnes qui nous assistaient de la sorte savaient que leur confiance était poumons à la fois un patriotique enseignement et un engagement d’honneur.