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Au congrès de Bordeaux, on a demandé une nouvelle enquête en Amérique, enquête dont le but était de démontrer que les Américains se passionnent pour le sulfure de carbone et qu’ils se considèrent comme nos maîtres en viticulture reconstituante, Cependant il ressort de leurs écrits que c’est la France qui leur a indiqué l’emploi du sulfure de carbone et l’emploi de leurs vignes sauvages comme porte-greffes ; donc nous ne trouverions au-delà des mers que le reflet tardif de pratiques françaises. Cela est si vrai que les Américains, satisfaits du taylor, se sont, à notre exemple, lancés à la poursuite du sauvageon des forêts et suivent l’école de Montpellier avec ardeur, tandis que ceux chez qui l’esprit de routine trouve un temple, réitèrent le vœu d’une seconde enquête en Amérique. Cette enquête aurait un bon côté ; les Américains, gens pratiques, feraient changer de rôle à l’envoyé, ils l’interrogeraient au lieu de lui répondre, et d’un enquêteur ils feraient un messager de la bonne nouvelle. Qui sait ? Ils le porteraient en triomphe en annonçant de par lui la résurrection viticole du monde entier. Au sujet de cette nouvelle enquête, M. le professeur Planchon a dit à Bordeaux que c’est en France qu’il faut étudier la vigne américaine, puisque c’est de la France qu’il s’agit.

Mes collègues en viticulture ne s’offenseront pas, je l’espère, si une réminiscence de vénerie me fait dire que quelques-uns d’entre nous font leur retour en avant, chassant la fortune le plus gaîment du monde, sans morsures ni querelles, tandis que d’autres, moins pressés ou moins sûrs d’eux-mêmes, font leur retour en arrière et semblent non-seulement tristes, mais tellement hargneux, qu’il faudrait craindre pour nos talons si nous nous laissions joindre par ces retardataires inquiets et mordans. Mais la fortune court vite, ce n’est pas le moment de nous arrêter autour de l’œuf d’hier, sujet de tant de querelles, prétexte à tant de retards !

Nous sommes sûrs de l’existence très ancienne de l’insecte dans la vallée du Missouri et aussi de ce que les estivalis et les riparias lui résistent. Nous savons aussi que le labrusca ne se trouve pas à l’état sauvage dans cette vallée ; est-ce à dire qu’il n’a été exempt du rot et du mildew dans le Nord que jusqu’au jour où le phylloxéra, se généralisant, est venu attaquer ses racines, sinon mortellement, du moins de manière à le rendre accessible par sa faiblesse aux maladies cryptogamiques ? Étant donnés les échecs du vinifera en Amérique de 1600 à 1802 et ceux des labruscas et de ses hybrides de 1860 à 1875, par agglomération, invasion phylloxérique ou autres causes, les hybrides de vinifera et de labrusca semblent condamnés d’avance par leur double origine. Malgré cela, la présence du mildew dans la Gironde oblige à chercher des espèces résistantes à ce nouveau fléau, et les Girondins se résigneraient