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explique l’égalité de leur bonne tenue, malgré des milieux dissemblables. Remarquons que cette vigne des rivières supporte des étés secs, pareils à ceux qu’elle traverse sur les bords de rivières desséchées, mais qu’elle souffre d’une sécheresse perpétuelle. Les racines du taylor tiennent le milieu entre l’horizontale et la perpendiculaire ; ce plant méconnu s’affirme vigoureusement dans les terrains silico-humifères et silico-argileux. Il existe déjà à Saint-Benezet 544,978 pieds de taylors de tout âge, plantés de 1876 à 1882 ; la plupart sont greffés, et pas un ne laisse à désirer comme végétation et fructification. Les greffes d’œillades, espars, terrets de 1881 ont produit, en 1882, 70 hectolitres d’excellent vin à l’hectare et les greffes d’aramon de 1882 promettent beaucoup plus.

La résistance du taylor ne soulève aucun doute de l’autre côté de l’Océan, et le processeur Husman dit, en parlant du fameux et rarissime montefiore, « qu’étant un semis de taylor, il résistera, non-seulement au phylloxéra, mais aussi à 27 degrés Fahrenheit au-dessous de zéro (33 degrés centigrades). Il ajoute que le taylor n’est pas assez fertile comme produit direct, mais que sa grande qualité a amené quelques viticulteurs, notamment M. Jacob Rommel, à essayer ses semis dans l’espoir de retenir sa résistance en lui ajoutant la fertilité et la grosseur du grain qui lui manquent. Ce cépage demande une terre profonde et suffisamment siliceuse ; mais ce terrain n’étant pas rare en Languedoc, on se demande pourquoi le taylor ne retrouve que dans le canton de Saint-Gilles l’estime dont il jouit en Amérique. Dans l’Hérault et dans l’Aude, on lui préfère le riparia, qui, greffé en aramon, est d’une fertilité merveilleuse. Aussi voit-on autour de Montpellier des routes bordées de jeunes vignes de ce cépage.

Nous avons vu plus haut que les exigences de l’adaptation ne se bornent pas aux racines et que celles-ci subissent indirectement les conséquences de la non-adaptation du feuillage. En effet, les racines ne peuvent fonctionner d’une façon normale qu’autant que leur action est complétée par celle des feuilles, qui exposent la sève à la lumière et la renvoient aux racines sous la forme du suc nourricier qui dépose sur son trajet descendant les matériaux nécessaires à l’accroissement de la plante et à la production des racines. Il est évident que les feuilles ne peuvent accomplir leur mission qu’autant qu’elles sont saines. Par conséquent, un cépage n’est adapté qu’autant que, par leur texture, les feuilles sont à l’abri d’altérations de structure dues au milieu où elles se développent. Ces altérations set produisent de trois manières : 1° les feuilles jaunissent momentanément et partagent avec le reste de la souche une souffrance passagère ; 2° elles sèchent, tombent et produisent par leur absence